mardi 21 janvier 2014

Novella : Les Castillonnes



La gare de Bordeaux, l’ancienne arrivée.

Une femme plantureuse volubile parle  avec un homme grand,  poitrail en V. Dans un angle une autre femme en observation de la scène. Celle ci est très sèche, brune et sel. Elle se dirige vers la rousse quand l’homme s’échappe d’Elle. Embrassade chaleureuse, éclats de rires. Le caddy  voyageur est emporté  par « l’attendeuse ».

La deux chevaux avait trouvé place juste 
à l’entrée. Aussi tôt chargée, le pont de Pierre est pris, une oblique vers la Benauge et  direction Castillon la Bataille.








Ces deux femmes aussi différentes  que le jour, la nuit, elles portent le même prénom Constance.
La bordelaise avec un accent assez prononcé dit : « tu poses le pied à Bordeaux et d’emblée un homme t’accueille ! »

-         J’avoue qu’il est charmant, serviable, il porte même à certain moment la grâce.  Et s’il fut dans mon écurie avant mon départ pour la capitale

-         pourquoi tu ne me l’as pas prêté celui là ?

-         J’avais des chasses gardées, je prêtais simplement mes compléments alimentaires.

-         Et tu as pécho,  un rendez vous ?

-         J’aurai bien voulu. Il s’est marié et çà : je ne touche pas. Il me portait une belle entrecôte  de son élevage pour cuire sur les sarments dans ta cheminée.

-         Ah ! j’ai l’impression que je sors de table tellement ce réveillon était interminable avec des tables baignant de sauces de légumes de toutes tailles et couleurs et ce brochet ce saumon, ses pintadeaux au cul farci de cèpes et de morilles et la même abondance côté dessert et t’as l’intention de manger   dans mon lieu dit ?

-         Un Réveillon seule : c’est frugale, mystique. Je me suis réservée pour ce Partage. J’ai commandé cette Viande, Louis mon ami de l’ile aux oiseaux m’a porté une bourriche d’huitres japonaises. C’est tout.

-         C’est trop, tu n’as pas oublié en plus que depuis notre voyage en Finlande en stop : je ne supporte pas de te voir manger. Te voir manger me rend anorexique. T’as vue ma sécheresse ?

-         Constance, ma bordelaise, ta nature est ainsi, tu as l’énergie d’un dragon, tu nous enterreras tous.

-         Tu nous ramènes le bluze de Paris ?

-         Ne pouvoir partager le repas avec toi dont je me fais une fête depuis un mois drainent très vite vers la surface mes pulsions de mort. Déjà qu’une nuit de Noël avec simplement ta volonté d’être joyeuse. Un Paris Bordeaux  vide comme un wagon allant aux enfers. J’ai trop faim. T’iras te promener dans les vignes et nous nous retrouverons pour le  café. Je ferai l’effort de supporter ta cigarette.

-         J’aurai du penser que te donnant un rendez vous  le jour de Noël, tu ne serais pas comme tout le monde.

-         C’est bien ce qui t’attires en moi : l’improbable devenu possible.

Constance de Paris regarde son amie, elle sourie  de la voir crispée en avance sur sa rythmique habituelle. Elle retenait ses vacheries par la queue,  Constance  de Paris sentait que cette journée là serait avec la  Grande « Pique Boudique » (dans la région se dit des poules qui mangent les vers de terre , c’est aussi une caractéristique à certains humains.) Elle ne la lâchait pas du regard, jamais elle n’était piquante au début du séjour seulement au bout du quatrième jour. Il lui fallait ce temps là pour monter en pression. Constance de Paris   malgré son manque de paysages  dans sa ville d’exil, elle ne pouvait s’abandonner à son défilé : terre, bosquet,      .Déjà, elle s’octroierait une pose où elle s’adonnerait à ses plaisirs de bonne bouche, sans son amie  dans les pattes , avec ses ergots de coq de  combat.

Le silence s’installe dans la carlingue antique,  le bruit de ses pièces  frôlassent  et  cependant tiennent :  on ignore de quel Dieu cela vient. 


La Dordogne du pont de Castillon est langoureuse elle  appelle comme à Ophélie ou à Virginia. Quelles épousailles !Là Constance  se pâme. Les larmes sont à l’assaut de ses joues. 

L’accent de Bordeaux la secoue : tu ne pourrais pas jouir qu’en toi, faut toujours que tu fasses profiter les autres de tout.

-         Constance s’il te plait,  dépose hors de moi ta chape de plomb. De quoi souffres tu pour ne pas t’offrir le plaisir donné à ta retenue  et porter ton glaive comme tu aimes le faire  beaucoup plus tard ?

-         Comment tu sais ?

-         Nous sommes en trêve de Noël et je t’aime. Laisse-moi encore gouter à notre amitié avant que la destructrice prenne le dessus et broie tout. Ca ne m’appartient pas,  c’est juste une économie envers les tiens : les premier jets de ta vie. tu les épargnes. Etre bouc çà suffit. Je suis de l’autre génération.

-         Pensez l’autre c’est un viol.

-         Tu l’as cherché . Quand on me charge, je cherche pour qui je prends. Allons prendre un café   sur le bord de cette si belle Dame dans son débordement d’hiver .Je ne veux pas que tu conduises avec cette charge de taureau après les banderilles.  Mais quelles banderilles ?

-         Tu crois que c’est agréable, tu débarques à Bordeaux et tu m’imposes la vision de toi avec un homme parlant en catimini, moi que les hommes ne regardent pas. Je vis avec Raymond, c’est le seul homme qui m’a proposé d’avoir des enfants et j’ai eu peur que cela ne se reproduise jamais plus.

-         L’homme a des antennes plus grandes que nous. Il a un morceau à sauver. Ton corps pour eux est parfait, léger pas trop d’effort,  pas de perte en marche d’approche. Mais  il y a dans un angle quelque chose comme le petit appareil que l’on se sert pour circoncire le blanc  des œufs à la coque.  Moi la « cucul » la praline romantique,  j’ai mis du temps à voir à mes dépens.  Cà les fascinent, les  terrifient : c’est vous qu’ils épousent,  Moi l’éternelle Déesse des sleepings  d'Orient -Express.

-          Prends moi dans tes bras, j’ai froid. Vite qu’on arrive à la maison  que le feu crépite  j’ai mal, j’ai mal partout. Une herse m’est passée à l’intérieur.

-         Arrête-toi, je prends le volant.

La voiture se gare  Constance de Paris tend ses bras dodues  et les entourent enveloppant sa  Constance. Elle la berce. Constance de Bordeaux  éclate en sanglot, en flot de sanglots. La parisienne d’exil  prend les plaides de la voiture pour envelopper son amie. Elle lui donne des gouttes de Reskiou qu’elle a toujours dans son sac. La voiture démarre . 15 ans sans conduire si çà revient bien au bout de quelques kilomètres,  au début la voiture est en allergie d’acariens ,  cela ne cesse de tousser.

 Accent de Bordeaux : j’ai honte Constance, j’ai honte.

- Sers toi contre moi,  chavire toi comme ca vient,  à part tes coups de flèche sadique   à la fin, c’est difficile d’avoir confiance en soi même si tu es la plus douée de la classe etc.… Il n’y a rien en toi qui implique ce mot…    Rien.




Le petit chemin après Radegonde, la pierre dorée des maisons, des corps de ferme ou propriétés vinicoles, les ceps de vigne en pelotons d’armée bien taillés. Le lieu dit : les quelques maisons, les poules, coqs , oies  dindons ,  canards en vrac sur le chemin le chien  "taillot" du voisin. C’est la fanfare municipale, l’accueil fraternel.



La petite maison au sol de terre battue, la grande cheminée attendant ses pommes de pins et le petit bois. La flamme est belle, ce jour de Noël là. Le grill est posé  dans l’angle.  Qu’il réchauffe avant la saisie !



Constance la maitresse des lieux dit : je mets deux assiettes.



-si l’appétit est là,  je t’en prie autrement   allonges toi sur la méridienne et laisses toi porter par les ronrons du feu. Tu m’as tant manqué. Paris sans personne avec qui conversait. Heureusement après avoir joué « La société de chasse »de Thomas Bernhard je ne pouvais plus écrire pareil, j’ai cherché les arcanes de la littérature, je cherche encore.

L’odeur de la blonde d’Aquitaine sur les sarments de vignes révèle toute sa carnation.
Un petit " émietti "d’échalotes grises  pour mieux la savourer.

      - Je te sers ?

-         Non, je m’assois avec toi. En face de toi. 



un long silence s'installe Constance l'exilée de ta terre d'aquitaine savoure au plus discret possible. Sa bouche a des petits cris de délices . plus  elle reteint la saveur et le plaisir de cette viande l'envahit de partout et soudain, l'amie de Bordeaux d'un bon


- je dois te le dire.

-         L’accent de Bordeaux, j’étais souvent baigné d’un sentiment de honte, je produisais même des actes honteux comme pour fournir un vide de ce quelque chose qui sans se nommait roder partout où j’allais et hier avec toute la famille les enfants et les petits enfants . A un moment je suis allée dans la bibliothèque à papa   m’échappant de tous  tant  j’étouffais  et allant de livre en livre  les  ouvrant et reposant j’ai trouvé une vielle photo,  mon père  avec un brassard et à l’arrière plan un train de la honte eux dedans n'allaient plus revenir.  Je suis comme Thomas Bernhard  envers son pays  à part que moi ce sont mes parents. Je viens juste de comprendre. 


Pardon  de ce que j’ai pu t’infliger à certains moments, pardon  à l’homme que j’ai pris uniquement pour avoir des enfants.

-         Chute doucement, maintenant,  il va te falloir aller en parler  pour quitter la confusion dans laquelle ce secret a agi depuis toujours sur ta famille. Ce n’est pas toi. Un jour tu trouveras la distance et la paix. Je crois au pouvoir de la parole. Et tes parents aujourd’hui s’ils militent à Amnistie Internationale ils ont compris et cherchent leur rédemption.

-         J’ai faim Constance,j’ai faim, j’ai faim.. Et les huitres japonaises ?

  Fin

de Françoise Frankie  Pain La Mangou

sous la direction de Julie Desf. avant la correction


j'adore avoir votre navigation dans vos mots  je remettrai quand les choses seront avancées et le titre trouver...

belle lecture
je vous embrasse 

7 commentaires:

  1. Quelle densité Frankie...Constance et Constance, Docteur Jekyll et Mister Hyde...c'est violent cette nouvelle, ça transperce le coeur.
    je t'embrasse

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  2. et pourtant j'ai tiré le trait au mieux vers le haut. merci de l'avoir lu. j'y ai fait qulesues corrections depuis ta lecture mais au sens rien n'a changé à tout bienttôt

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  3. Une double identité, intéressante nouvelle.

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  4. Double identité ou personnalité double ? Et le secret... "Ce qui n'est pas dit n'existe pas" disait J. Lacan, comme c'est vrai n'est-ce pas ? Cette nouvelle est dense, à lectures multiples, c'est formidable et profond à lire. Merci de nous faire partager votre univers et tout votre talent... Je vous embrasse.

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    1. le père Lacan m'étonnera toujours. je ne savais pas qu'il pratiquait le dénis tellement antinomique avec les raisons du chemin qui nous font prendre la voie de la psychanalyse. merci pour Garance et de votre petite photo et bien venue parmi nous. si vous avez envie de faire parvenir un de vos textes en attendant que vous ayez un blog bien venue sur ce blog
      belle journée

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  5. J'étais passée ce matin mais un peu pressée pour laisser un commentaire.
    Ta nouvelle (ce genre te vas très bien) n'avait pas de titre, celui que tu lui as trouvé lui va comme un gant.
    Deux corps pour une seule âme ou bien est-ce l'inverse ?
    Comme un miroir qui ne rendrai que l'esprit de l'autre !
    C'est très fort un peu comme le mythe de Faust, le Portrait de Dorian Gray ou la Peau de Chagrin.
    D'où le rôle très important des "influences" dans le destin d'une femme.
    Mais à part ça, j'aurai bien partagé cette côte de bœuf aux échalotes cuite au feu de bois. Miam !
    Je t'embrasse très fort ma Frankie.
    Belle soirée

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  6. merci chéres lectrices, de vous étes attardées avec ses deux dames au même prénom je vais faire quelques nmodification pas grand chose pour la fin plus de lisibilité et merci du retour c'est cette nouvelle que je n'arrivais pas à coucher qui me prenait entre autre la tête sur d'autres écrit dont notre cher instantanées et bien sur partager cette belle cotre de blonde d'aqutazine aus sarments et échalotte avec un bon pommerol du coin
    belle grand e journée
    le soleil est là...

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