jeudi 16 janvier 2014

Poésie

De la rose de marbre à la rose de fer



La rose de marbre immense et blanche était seule sur la place déserte
où les ombres se prolongeaient à l'infini. Et la rose de marbre seule
sous le soleil et les étoiles était la reine de la Solitude Et sans
parfum la rose de marbre sur sa tige rigide au sommet du piédestal de
granit ruisselait de tous les flots du ciel. La lune s'arrêtait
pensive en son coeur glacial et les déesses des jardins les déesses
de marbre à ses pétales venaient éprouver leurs seins froids.



La rose de verre résonnait à tous les bruits du littoral. Il n'était
pas un sanglot de vague brisée qui ne la fît vibrer. Autour de sa
tige fragile et de son coeur transparent des arcs en ciel tournaient
avec les astres. La pluie glissait en boules délicates sur ses
feuilles que parfois le vent faisait gémir à l'effroi des ruisseaux
et des vers luisants.



La rose de charbon était un phénix nègre que la poudre transformait en
rose de feu. Mais sans cesse issue des corridors ténébreux de la mine
où les mineurs la recueillaient avec respect pour la transporter au
jour dans sa gangue d'anthracite la rose de charbon veillait aux
portes du désert.





La rose de papier buvard saignait parfois au crépuscule quand le soir à
son pied venait s'agenouiller. La rose de buvard gardienne de tous
les secrets et mauvaise conseillère saignait un sang plus épais que
l'écume de mer et qui n'était pas le sien.




La rose de nuages apparaissait sur les villes maudites à l'heure des
éruptions de volcans à l'heure des incendies à l'heure des émeutes et
au-dessus de Paris quand la commune y mêla les veines irisées du
pétrole et l'odeur de la poudre. Elle fut belle au 21 janvier belle au
mois d'octobre dans le vent froid des steppes belle en 1905 à l'heure
des miracles à l'heure de l'amour



.
La rose de bois présidait aux gibets. Elle fleurissait au plus haut de
la guillotine puis dormait dans la mousse à l'ombre immense des
champignons.





La rose de fer avait été battue durant des siècles par des forgerons
d'éclairs. Chacune de ses feuilles était grande comme un ciel
inconnu. Au moindre choc elle rendait le bruit du tonnerre. Mais
qu'elle était douce aux amoureuses désespérées la rose de fer.



La rose de marbre la rose de verre la rose de charbon la rose de papier
buvard la rose de nuages la rose de bois la rose de fer refleuriront
toujours mais aujourd'hui elles sont effeuillées sur ton tapis.




Qui es-tu? toi qui écrases sous tes pieds nus les débris fugitifs de La
rose de marbre de la rose de verre de la rose de charbon de la rose
de papier buvard de la rose de nuages de la rose de bois de la rose
de fer.
Robert Desnos ("Les Ténèbres", XXIV)






belle journée








c'était mes 2011 voeux 
je me suis adoucie quand je vois çà. c'était pour ma profession



10 commentaires:

  1. Merci de nous avoir offert Desnos et ses roses.
    Bon weekend.

    RépondreSupprimer
  2. Merci Frankie pour ce très joli texte si bien illustrée !
    Je t'embrasse bien fort !
    Belle nuit.

    RépondreSupprimer
  3. jolie rose du soir...bonne nuit...!

    RépondreSupprimer
  4. J'ai pensé à la rose de sable tout le long de ma lecture! Desnos l'a oubliée ?!
    Bonne journée, dans le rose!

    RépondreSupprimer
  5. que de problème pour atteindre ta page sans doute les épines de tes belles roses Frankie !
    je ne connaissais ce poème de Desnos il est si parlant à travers les roses fleur fragile en marbre cassant
    rose de cristal fait avec du sable fuyant
    entre les doigts
    comme sa vie trop brève entre fer et sang
    rappelée par toi
    je t'embrasse et t'envoie un bouquet de roses rose

    RépondreSupprimer
  6. De quoi repartir en rêvant de pétales... Je te souhaite une belle journée

    RépondreSupprimer
  7. Très joli tout ça je ne connaissais pas. Bonne fin de semaine.

    RépondreSupprimer
  8. Merci de ce poème de Desnos et bon week-end à toi.

    RépondreSupprimer
  9. Hou hou Frankie où es-tu ?
    Gros bisous.
    Belle soirée

    RépondreSupprimer
  10. Coucou Frankie. Merci pour le partage de ce joli poème. Je ne le connaissais pas et je me suis régalée.
    Gros bisous et bon dimanche à toi :-)

    RépondreSupprimer