jeudi 11 janvier 2018

suite de R1: sous un autre point de vue



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Le mangeur de papa.
Il y a des phrases qui impactent votre vie d’une chape de plomb. Responsabilité. Imprévus monstrueux. Virage à 18O°/°. Travail de nuit. Université de jour.Théâtre en récréation. 
Une vie, un homosapiens en devenir, face à une mère qui nie le père, sauf sur les oreillers. Encore heureux.
Quand ses injonctions justifiées arrivent, vous êtes dépouillée de vous-même .
Dépenaillée.
Vous n’acceptez pas l’idée de la mort. 
Protocole de soins :
 très grande fatigue et régénérescence.


Quand le pére dit : ton frère a besoin de moi, tu me remplaceras.
- Et nous Marine et ta Toutoune nous n’avons pas besoin de toi ?
- Ta sœur, il y a si longtemps qu’elle a levé le pied de la maison.
 Quand, Camp d’Auvours, premier hiver.
 Nous n’étions plus rien pour elle. Son béguin était devenu son unique famille. Ta mère en fut toute dézinguée, comme si elle avait besoin d’une dose supplémentaire à ses forces archaïques. Toi, tu avais trouvée la planque : par les devoirs par correspondance chez ton amie pianiste. Tu rentrais un jour sur deux. 
-Que dire ? 
-Ta réponse :  « mes vœux futurs, çà commence à la racine quand on a la graine. »
- Papa ,  à être si dérangeante,  pousse en nous l’herbe de la poudre d’escampette. Je n’avais que 12 ans et demi. Si je ne savais ce que je faisais, je savais que je me sauvais.

Pourquoi, papa revenu, là, disparaître  ?
 Un pion manqué à l’équilibre de notre jeu d’échec qui avait su trouver les points d’énergie pour chacun, dans nos campagnes d’Afrique après la guerre d'Algérie. Nous avait –t-il données le modèle ?
 S’engager dans l’armée à la naissance de sa deuxième fille. Sans que ce soit un cliché, c’est une sacrée image. Aussi forte que le landau en haut des escaliers du film Potemkine. Un landau sur le bord de la Garonne. Le paquebot ses cheminées, la corne des brumes, la fanfare l’hymne anglais du départ, les ancres qui glissent « rechigniassent » sur le corps blanc de la machine flottante, aux dessins d’algues qui dégoulinent le long des chaines de l'ancre.
 Ah ! pacte beau, paquebot, mangeur de papa.
Les intuitions de survie ont des sillons bien profonds pour des petites filles de grands fermiers et un batard d’un châtelain du marais.
Je ne voulais pas entendre que c’était fini.

-Papa, tu es fatigué de tes soins, tu connais l’hiver. Tout est mort, papa. Tu sais les printemps. La doucette, les pissenlits que tu nous cueilles à travers champs, dans les faussets. Tes salades de printemps avec le hareng grillé, les œufs de pompettes, les échalotes grises, les appétits. Ton printemps va jaillir, Papa. Ton fils, tu en as tant rêvé, des petits bonhommes transmettront ton nom papa, le batard (rires). 

Ton Nom.

Mon fiancé m’a déjà lâchée à la crainte de cette issue, tu ne vas pas             (temps), nous venons de nous rencontrer.

6 mois de cette chambre 9, deuxième étage, Saint Michel en partage. En littérature nous pouvons  écrire ce temps = çà peut être une vie. 
 Nous, un purgatoire si tu le souhaites. 
 Je n’ai pas à en juger.
 Pas assez construite au-dedans pour avoir mot à dire.
 Renaitre à soi, papa.
  
Tu as un réel allié. 
T’as vu, il suffisait d’une lettre adressée.
 Le grand cadeau que tu as fait à ta mémère,
 tu ne voudrais pas en profiter pour une fois
 que la vie t’offre une médaille de guerre.
 Eclats de rire.
-Comme tu ressembles à ton  Soundjata !

Pendant tout ce temps-là, mon père est enlacé dans mes bras, même si ma voix est forte, vindicative, « impactante », 

il est léger.
Une plume. 
Ce corps qui un jour fut déporté.
Il était moins décharné que certains qui avaient résisté 5 ans de captivité.
 Un an « seulement »,
 de ce cauchemar de la Grande l’Histoire. 

Le temps s’est allongé sur le lit.
Des mots de l’un à l’autre comme une perfusion. 

Serait-il devenu un ange ?
L’énergie est si forte.
Un geyser de mots,
aucun ne voulait capituler. 
Ce n’était pas la prise de la Bastide. 
L’emprise des mots,
 encerclés d’eux à jamais, 
à toujours.
Bats-toi, pour lui, pour Nous
 quand il sera le moment, 
je serai là,
 j’accomplirais ce que tu me demandes,
 je mettrai un tiers entre maman,
 ton fils –mon frère, 
et ma tâche.
 La distance qu’elle a mise entre toi et ton aînée, seule,
 je ne pourrai en faire quelque chose 
de la mission dont tu me charges.

 Va vers ton pâturage de printemps.
Je le raccompagnais sur sa couche. 
Il me demanda pardon de s’être, ainsi, abandonné.

-C’est une grande chose
 que tu as fait pour toi.
 « Déjuguler » tes mots.
Merci pour Toi, p’a.
 Merci. Merci. 

Il faudra me parler de   Sound...   Soundjata , pourquoi mes rires lui ressemblent.

-Ah ! J’ai dit çà ?

Et il pleure. 
Viens.

Elle s’allongea sur le côté. Elle lui fit des gestes apaisants de réconfort,lui donna de l'oxygéne.

 Il raconta quelques  reliques de leur histoire 
 Soundjata le tirailleur sénagalais et lui,
 le résistant, 
les deux piégés dans un camp en allemagne.

(suite)  bientôt
de Françoise Pain
droits réservés











Photos de la collection
 de tournage de Frankie Pain

3 commentaires:

  1. Comme tes mots chantent bien aujourd'hui, ma Belle !

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  2. Un texte bouleversant... sans que l'on en sache la fin, bien qu'on la sente venir! Pas pu commenter la 2ème partie, alors j'ai relu le tout, à la file. Merci!

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  3. je souhaite, qu'en tricoteuse, et tisseuse, ce soit d'autres histoires où dans un petit carré de mots d'autres histoires se tissent et vient caresser d'autres histoires , libérées de larmes stagnantes en route , et refaire un jardin aussi beau que le tiens Giné.

    merci aussi manouche de ton retour
    tu sais combien l'estime que j'ai de ta plume et de ton humour

    cela baigne m'a force créatrice de talisman de bonté et de justeuse
    alors le bateau ivre.

    merci chéres lectrices
    votre frankie Map's Monde

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