mercredi 18 novembre 2009

Pour le carré de dames

Photo d'agatha Christie


Bordeaux la bonne

De la butte la plus haute d’Angoulême
surgit enveloppante douce et chaude
la lumière jaune citronné rosé du sud ouest.
Le sud ouest. Il est là le bougre !

Les coteaux des graves, tant de tresses de femmes africaines, leurs bijoux : des piquets marron, des torsades de feuilles vert foncé et du bleu sulfate saupoudré
- « la bouillie bordelaise »- . Sur le front du coteau, chaque début de tresses le rosier rouge, l’amour rouge du poète à la dame, l’amour de Bacchus.


Sur le long de la voie de chemins de fer ces hauts bâtiments, le mur aux sentinelles absentes, le hennissement des chevaux s’échappe des pierres ocre, l’odeur chaude du crotin. Les crinières sont en ordre, les nœuds encore là de leur dernier passage des armes, les truffions à la fenêtre offre un sourire à la passante, et le cimetière de Libourne longe la Dordogne il nous inonde d’histoires , le suicide de Jean Moulin à l’heure du mascaret. . .

Les pêcheurs ont ancrés leur barque à la dérive du courant , ils relèvent l’alose, la prisonnière des filets. Mon cœur pleure, j’y arrive, je franchis le pont de Saint André de Cubzac, la cicatrice dans le platane, le 7éme après le pont. Elle s’y écrabouilla à 6 heures du matin en revenant de Nantes. La blessure de l’arbre comme le cul d’un paon chargeant ses plumes , elle est hérissée de jeunes pousses qui protégent au dessus le marbre à nom gravé : « pourquoi faut-il si jeune connaître le fiel d’être trompée ? » Quel épitaphe !

La marée est base. La Gironde nous offre ses dessous : le galbe des boues lustrées où se mirent les nuages, le ciel. Ses bords gonflés appellent en nous « la Gourgandine », nous hèlent à nous lover. . .

Les cheminées « tabageuses », leur panaches, de port Brault Saint Louis : la base nucléaire. Combien de pas perdus, de banderoles délavées, de voix égosillées. « Non ! Non ! Non aux nucléaires ! » Les charges des CRS, les rafles de police, ces transports en fourgon, ces peurs « colmatisées » : on s’embrassait sur la bouche en don de pleines langues, tricotant nos émois de nos chevelures emmaillées, emmêlées comme des siamoises nous ne voulions être séparées et. . . l’engouement de ses combats où bien nombreux ils oubliaient la cause et ils hurlaient comme des loups à l’hymne militaire. Des fous , des enragés…

Immense, ailé, perché si haut pour accrocher la lune et son troupeau d’étoiles le grand pont d’Aquitaine. A ses pieds une jungle d’herbes hautes, des naseaux de bronze. Le bronze , le vert , l’or, le marbré de l’écoulement du temps , des eaux. La puissance du torse de ces chevaux des Girondins, leurs Mariannes les jonchent, seins pommés sous le drapé, elles portent à fière allure les drapeaux de la révolution. De ci, de là , un coup de scie : rations des antiquaires qui s’octroient régulièrement la saignée de la « gamelle » du culot ou les brocanteurs violeurs de mémoires -travail à l’emporte pièce-. Oui ! Ces chevaux l’avaient « échappée belle » cachés là du regard de l’occupant pendant la dernière guerre, ils avaient eux chaud ! Fondu en obus ils avaient failli devenir !


Allons à la gargotte, çà sent le poisson frit . Des piballes, à l’ail au persil poilées. La note sera salée. La pibale est maintenant le caviar de la Garonne. Les petites pibales comme des milliers de cannes d’aveugles à Lourdes larguées dans un coin la chapelle après le passage de la source miraculeuse. De l’alose grillée sur sarments au ventre enceint d’oseille sous les treilles à peine formées les grappes vertes pleines de promesses.

Blocs de béton : l’abri de 10 sous marins - bouche béante de sorcière gavée – c’est la région - de trompettes de la mort et de souffreux - le bidao -. Bassins à flot où un voilier devant semble une coque de noix. Pagaille d’un faux port, des carcasses de bateaux en résine des utopistes du tour du monde, l’éclat des chalumeaux du chantier naval, des bolés d’odeur de vase fétide mêlée aux huiles de vidanges. Les « bacalans » sont peu regardant du mouvement en vogue. Un relent des sécheries de poissons comme une grande reniflette à un goulot de nïoks mam.

Les grues, les paquebots aux coques pigmentées de rouille la ligne de flottaison haute, les grosses ancres noires, leur chaîne la trace de l’habitude d’égoutter, ses eaux de mer. Les cargaisons -ces maisons de taule- oranges, bleus suivant le moment à bord et ou les quais. Les grosse bille de bois couleur acajou. Et je les voyais toujours dans la lagune d’Abidjan ou y arrivant tirées par les éléphants. Et la haute poésie des passerelles tantôt longeant la carlingue tantôt un pont entre le quai et l’embarcation.

Le quai de la Martinique : les hôtels du 18éme , volets casés, borgnes, insalubres , velours frappés, les cuisses se livrent gainées un perroquet bègue harangue le client : « fait péter la monnaie cuirassé », Les chais des Chartons , les portes entr’ouvertes envoient le « remucle » des fûts de chêne avinés odeur des bouchons de liéges du Portugal. Là, l’odeur des cires des antiquaires, ici les tuiles couleurs briques brodées de mousses denses d’un vert volé au printemps.

118 rue Notre Dame. L’hôtel particulier escalier . l’odeur d’humidité si cher à mes narines , la rampe fine en fer forgé, les zones usées de l’escalier, le puit du jour la cour intérieure . Charlotte a défait sa beauté d’un lifting d’alcool lourd. Peau grise, bouffie, mains agitées « Allez on péte le champagne » Quinte de toux de Caracas , corps en charpie , « on fait passer le pétard » Marie Brodequin, en tailleur Channel, maîtresse du paquebot après « l’Entr’ acte ».

« Tiens voici ta clé, tout y est , ton parachute violet est aujourd’hui parme tu as des bois exotiques des quais et quelques cueillettes des bois cirés avec des pines de pins bien sèches et des aiguilles pour ta flambée. On a fait ouvrir une fenêtre dans ta bibliothèque , tu verras les toits jusqu’au quai et le port de la Lune.

Marie Brodequin
La liste est longue des nostalgiques ? Qu’est-ce qu’on fait ?

-A bon !

« Le cellier de Chatrons autour de la cheminée » comme dans Holderling à Bordeaux, je ferai une petite conférence, Jacquel jouera le requiem de Mozart. Tous d’un seul coup comme dans le petit tailleur des contes de Grimm
Si la légende a marqué la ville , la vie d’exil la légende a quitté la dame .

Je leur jouerai « les Fracasseries de Rose de Pauillac ». Chacun s’y retrouvera et dans quinze jours j’ai intérêt d’avoir quitté la ville comme dit Boileau « les gens aiment rire d’eux-mêmes mais surtout ne les croiser pas 15 jours après. »

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