mercredi 16 décembre 2009

La révolte desarbres en cette période de Noêl


La révolte des arbres

Un jour on a dit aux arbres : « Voulez-vous combattre ceux qui veulent vous abattre ? Vous ferez du papier pour les condamner, et, pour les arrêter, vous dresserez des clôtures hautes comme des murs et des barrières longues comme des frontières. »
Quand les hommes brûlèrent leurs pieds, quand on les amputa de leurs branches, quand les chiens pissèrent sur leurs jambes, quand on les jucha au faîte des toits, quand ils eurent chaud en été et froid en hiver, les arbres surent qu’on les avaient trompés.
Alors près d’un théâtre de la ville, ils avisèrent le décorateur qui leur refit des feuilles en carton; ils hélèrent le peintre qui les peignit en vert, en jaune, en rouge, les couleurs du printemps, de l’été, de l’automne.
Et puis d’autres vinrent: les machinistes, les costumières, les comédiens, le directeur, le pompier, le souffleur...Et toutes ces braves gens proposèrent de reconduire les arbres dans la forêt où ils retrouveraient leurs racines.
Poussé comme une feuille par le vent d’hiver, le bruit couru très vite à travers la ville que les arbres allaient manifester pour retrouver leur liberté. Alors les charpentes se désassemblèrent pour descendre dans la rue; les planchers cirés glissèrent hors des immeubles cossus; les palissades bras dessus, bras dessous, barrèrent les routes. Bientôt un extraordinaire défilé, que de mémoire d’arbres on n’avait jamais vu, traversa les villes déboisées, les banlieues bétonnées, les zones industrielles désertifiées.
En tête marchait la troupe du théâtre. Suivaient les châtaigniers, les chênes, les pins, les sapins et toute la foule hétéroclite et joyeuse des ormes, des érables, des peupliers, des merisiers, des hêtres, des frênes...
Entraînés par cet immense mouvement, d'autres arbres, qui pourtant avaient leurs racines bien plantées et coulaient dans la ville une vie tranquille mais ennuyeuse, se joignirent au cortège.
Ainsi, un chêne noueux et rhumatisant, quitta sans regrets le square où il vivait depuis plus de cent ans; un saule, aux longues branches pendantes comme des cheveux, abandonna le triste cimetière où il pleurait à longueur de journées; les platanes des avenues rompirent leur alignement et suivirent le défilé dans le plus parfait désordre en traînant derrière eux les guirlandes encore scintillantes, dont on les avait décorés pour les fêtes de fin d’année.
Les hommes n’entendirent pas cette foule gaie, désordonnée et bruyante marcher dans la rue, car leurs oreilles n’entendent que ce qu’ils veulent bien écouter; d’ailleurs ils ne comprennent pas le langage des arbres. Seuls les enfants endormis surent qu’un événement merveilleux se déroulait dans leurs yeux refermés sur leur rêve. Aussi, au matin, ils ne furent pas le moins du monde étonnés lorsqu’ils virent que leur propre sapin de Noël avait disparu de la maison, laissant sur place boules, bougies et guirlandes, au grand désespoir des parents.
Bref ! Toute cette bande, cocasse et dépenaillée, qui grossissait au fur et à mesure de sa progression, atteignit la forêt au moment où le soleil encore engourdi par sa longue nuit de sommeil, s’étirait paresseusement sur la cime des grandes futaies, avant de monter péniblement dans le ciel pour dispenser sa faible mais réconfortante chaleur d’hiver.
Et là, miracle ! Sans se bousculer, sans se bagarrer, presque sans bruit, les planches et les bastaings, les poutres et les palplanches se réunirent pour former les troncs originels qui retrouvèrent leurs racines que l’herbe et la mousse avaient précieusement conservées. Quand chacun eut regagné sa place, quand le calme fut revenu, le chêne, le plus vieux de tous, parla: « Construisons un théâtre de la nature.» Tout le monde trouva l’idée bonne.
Les petits devant, les grands derrière, les arbres se mirent en rond autour d'une clairière pour former la scène. Les bruyères, les ajoncs, les genêts, les aubépines firent les décors du premier plan; les sapins, les bouleaux et les hêtres, ceux de l’arrière-plan ; les saules pleureurs firent les rideaux côté cour et les troènes ceux du côté jardin. Avec des fougères et des feuilles de châtaignier, les costumières façonnèrent des robes cousues d'aiguilles de pin; les maquilleuses fabriquèrent des boucles d’oreilles avec des cerises, et des colliers avec des baies de toutes les couleurs.
Le chef engagea des oiseaux dans son orchestre: une grive musicienne, un merle moqueur, un canard
trompettiste, une pie bavarde, un pic-vert tambourineur. Le peintre et le décorateur qui se retrouvaient sans emploi, devinrent acteurs. Le souffleur fit son trou dans le terrier d’un blaireau.
Les arbres étaient contents. Sauf un petit sapin, que la troupe avait sauvé de justesse d’une fin triste dans la salle des pas perdus d’une gare, alors que tous ses amis partaient pour la forêt. Il fit remarquer que la joie ne serait pas complète si les enfants dont, c’était la fête le soir même, ne participaient pas à cette grande première sylvestre.
Le Père Noël se proposa d’aller les chercher à la ville avec son traîneau et ses rennes au retour de sa tounée de distribution de jouets; mais comme les enfants étaient très nombreux, les cerfs, les chevreuils, les biches, les daims et même trois chevaux échappés d’un cirque le suivirent et ramenèrent tout le petit monde sur leur dos.
Les enfants se mêlèrent aux spectateurs de la forêt: les lapins, les écureuils, les belettes, les renards, et même un vieux loup édenté dont personne n’eut peur. Emerveillés, ils suivirent sagement le spectacle étonnant que leur présentaient les animaux et les hommes de bonne volonté.

Ils s’endormirent avant la fin du spectacle, et le traîneau des rêves les ramena dans leur maison où les attendaient de merveilleux jouets ressemblant à des animaux et à des arbres.

FIN


Perles

du blog : Poemes-poesie.comPoésie des Poèmes et Citations des Poètes

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