Après un an bien tapé de "dormissement" dans un fût en chêne voici secoué de correction un texte que vous reconnaitrez vous fûtes nombreux à le lire. Savourez le à nouveau ,et, surtout ne vous privez pas de vos commentaires : toujours utiles à la plume volage de maîtresse, je suis sa petite chienne Leica .Une shiba inu pour les connaisseuses de la blogosphére.
Leïca
La Dame et ses anguilles
Samuel Beckett « Nous dérivions
parmi les roseaux
et la barque s'est coincée.
Comme ils se pliaient, avec un soupir,
devant
la proue ! (Pause)
Je me suis coulé sur elle,
mon visage dans ses
seins et ma main sur elle.
Nous restions là, couchés, sans remuer.
Mais, sous nous, tout remuait, doucement,
de
haut en bas, et d'un côté à l'autre. Pause... »
1
Dans la Gabarre, ils avaient descendu le cours de la Dordogne. Ils
n’étaient qu’effluves de silence. Ils avaient largué le surplus de leurs anciens
conforts. Le sentiment de sécurité pouvait voir venir. Vivre simple, adaptés à la phrase du jour. « Éteins la lumière, pas tes songes ».Sébastian n’était pas
relié à son Smartphone. Pilar avait le vieux portable : pour les appels
élémentaires. Ils étaient dans
le tourbillon d’un décalage horaire permanent. Les lignes de pêche étaient leur manière de sonder le temps. Le temps du
grignotage de leurs appâts, le temps du bouchon rouge flottant, et par
alternance gobé par la rivière.
2
Pilar avait confectionné l’épuisette à anguilles.
Elle avait cousu au creux du parapluie de golfe - en son centre
quand il est ouvert- une manche d’un costume râpé de Sébastian pour le réservoir à anguilles. Le Capitaine de la
gabare s’était arrêté prés d’une terre fraichement labourée pour la récolte des
vers de terre pour la future
pelote à vermée*1.
C’était une saison bénie pour leur pêche :
les anguilles remontaient la rivière
pour pondre. Elles allaient être dodues, charnues. Pilar s’imaginait prendre un
bain avec elles. Bâillonnées quand même. Un bain avec elles, être chaloupée dans leur « gluance ».
Se griser de leur ondulation. S’effrayer peut-être?
Pilar, son désir aussi, était d’offrir ce bain,
ces sensations là à son quinquagénaire
Sébastian. Pure spéculation, Pilar n’avait fait
que se l’imaginer.
*1 la pelote à vermée : faites avec des
vers de terre enfilés en pelote
sans hameçon utilisée pour la pêche aux anguilles en rivière dans les
Charente et en Vendée.
3
Pas besoin de réveil. A l’heure où l’aube fut
entre leurs doigts, habillée de sa robe de froid et de brumes, Pilar ramassée
dans son pagne terre de Sienne, avec un
tablier de chanvre pastel bleu, elle installa son gourbis sur une
déserte sur le pont. Elle attela son aiguille à coudre la laine avec un très
grand morceau de coton de cuisine, et, elle enfila les vers de la veille. Sébastian ne voulait rien
perdre de la frénésie habitant son amie. Il se fit donner une
« aiguillée de faignante », copia non sans grincer des dents,
l’enfilage des vers. Il comprit pourquoi il avait choisi Sciences Politique
plutôt que la Médecine.
Du vivant, de la
grouille plein les doigts,- ba ba ba ba-. Maladroit, il n’avait jamais touché aux travaux de
couture. Le jour se levait, les « anguillées » s’alourdissaient, les
branchages faisaient ombres sur leurs tempes. De temps en temps Sébastian
hoquetait, soufflait, regardait avec grimace son énergumène de
femme. Elle lui était jusqu’aux anguilles, sa saison des rires et celles des herbes en
mai sous une bonne brise. Un bon archange avait réussi à rejoindre ces deux
êtres, lui et sa Pilar nationale. Une
rencontre improbable. Le destin part de loin parfois pour atteindre son but !
Jamais, il n’avait
imaginé une prise de retraite avec la
Reine de l’invention permanente. Il s’accrochait comme un fou
aux chants des oiseaux pour ne pas
tourner de l’œil. Ce voyage de leurs trois ans en chœur de l’autre, les
anguilles marquaient quelle ponctuation ? Les bruissements de Pilar,
immergée dans la confection de sa pelote à vermée étaient loin de ses questions
métaphysiques. C’était une promesse
mystérieuse à vivre, Pilar n’avait aucun doute sur son dénouement.
4
Finis les travaux d’aiguilles. Pilar installa alors, à chaque
canne à pêche une pelote de vermée. Les anguilles allaient mordre dedans,
et, quand le bouchon s’enfoncerait dans la Dordogne, ils
lèveront doucement, secoueront leur prise au dessus du parapluie de golfe
écossais, et, l’anguille glissera sur le bord du parapluie flottant sur la
rivière, elle atterrira immanquablement dans la manche du costume.
Elles attendront, là, la fin de la pêche. Cette
veille tradition du Sud Ouest !
Sébastian l’interrompait : « je te donne une alouette, un pic vert, une
pie jacasse aie le goût de l’oubli sur tes écueils. Ils t’ont créée si
imprévisible qu’après les avoir caressés dans le sens des poils, pour les
remercier, je leur dis de foutre le camp
et de ne jamais venir roder à tes alentours."
Les chiens du
capitaine ponctuaient les fins de phrases par de brillants jappements en accord.
Ces chiens, les voir c’est entendre
un poème d’Yves Bonnefoy. Devant la boulangerie quand le Capitaine arrêtait la Gabarre pour chercher le
pain au village. Les deux chiens, les pattes de devant sur la barre du vélo ne le quittaient
pas des yeux. La petite Laïka est une shiba inu, le mâle a une robe de chien
loup une échine de labrador, une oreille de
labrador, l’autre de chien loup. C’est Billou : ce mach-mélo douceur-tendresse.
5
La pêche à la vermée donna une lessiveuse d’anguilles. Avec la dextérité de Pilar ancienne
urgentiste, il lui fut aisé sans les blesser de les bâillonner pour le bain du vivant
velours qu’elle s’était toujours
fantasmée. Enfin, plus exactement elle l’avait refusé à un de ses ex-hommes, il
s’était obstiné à lui donner un bain avec une lamproie. Non. Saperlipopette.
Elle s’était dit qu’un jour elle s’en donnerait les moyens, elle le vivrait
seule, sans regard, la perception des sens : impartageable.
Pilar avait fait installer par le Capitaine, la
baignoire sur le pont avant. Elle se donna le bain en premier. Sébastian la remplaça. Le Capitaine voulut être de l’événement, il
relaya donc Sébastian. Des rires d’une variation prosodique étonnante
remplissaient l’étrave et la proue de la Gabare.
Quand Sébastian en sortit, il rejoignit
Pilar dans le hamac, sur le pont arrière, , il
n’eut en bouche que cette phrase : « tu me burines aux embruns d’émotion, ma Fleur de sel, mon baptistaire, ma couronne
d’épine, ma crête de coq est cramoisi de cette foudre « gorgonienne »*1, de ses sensations
« al dente ». Gare à tes abattis ou coure très vite, danser dans le ventre de ta mère, pause, tu vas voir ma réplique, » Il l’empoigna sa longue tignasse
roux vénitien et l’emporta « presto » dans leur cabine.
*1
« gorgonienne » : de la gorgone méduse, mot composé
avec l’image du tableau de Caravage.
Homère parle des Gorgones monstres marins…
auteure
Pain. Mangou
Reproduction réservée
l'amoureux de Laïka et de Leica
suite demain
joli shiba inu..je lirai plus tard...bisou
RépondreSupprimerDeuxième lecture : une vespérale, une matinale!
RépondreSupprimerUn délice jubilatoire, beaucoup de générosité!
Merci Frankie!
J'arrive pour cette lecture... j'aime ce ton et cette saine sensualité Frankie...même si je déteste les anguilles !!!
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