lundi 6 février 2017

Anniv de la mort de Passolini , henri Pichette ma rencontre



Santoka

La sagesse est de voir le nouveau dans l'ordinaire,
en s'accommodant du monde tel qu'il est.
Il y a des trésors cachés dans l'instant présent."

Pour une de mes jeunes élèves engagée dans la poésie toute sa vie , je décidais de me plonger dans les Epiphanies d’Henri Pichette.
J’avais invité un réalisateur à diner et nous étions 3 à table. Pichette sans y être, avec lui nous étions attablé avec ses phrases, ses citations, son fascinant rapport aux mots et son art de les mettre en vibration.
La semaine suivante j’achetai le livre les Epiphanies.
Je ne comprenais pas tout, et je me suis ennuyée très vite, et  dans mon désir pédagogique pour cette poétesse, j’ai fait le tour de la bibliothèque et Pichette s’est imposé à moi.
Lecture de la pile des auteurs qui seraient mes alliés dans la de mon atelier du 4 février. Pichette eut  l’autorité d’être là avec moi et pour offrir à la connaissance à mon petit groupe. La poétesse n’était pas là d’autres oreilles ont apprécié.
Et bien à votre tour de picorer  les mots de Pichette Henri
à
Pierre Perrault
et à Yolande
Le goéland, la sterne
frisant les vagues
jettent aux vents
leurs clameurs d’enfants d’outremonde,
tandis que le huard
sillant l’eau plane du lac
pousse jusqu’en votre âme son cri de lumière écorchée

à
Antonin Artaud

[...]
vos tempes comme l’étau serré où la lucidité palpite
vous avez demandé
pourquoi l’esprit pourquoi un corps
l’inanition le pantellement la dégradation la défécation
la volonté la nolonté
« une conscience un moi une âme une durée »
pourquoi cette vie
mentale intotale humiliante mesquine
et si vaste pourtant que s’y égare la raison
que s’y perdent la santé le sentiment la foi
pourquoi ?

Tandis que dans la rue ecce home
vous étiez la cible des regards
les bibliophiles giboyaient vos originales


L’ÉTÉ (extrait)
         Le soleil tape sur les enclumes de granit.
        L’herbe métallique vibre, au flanc de l’immense vague pétrifiée.
        Je cours, un feu de joie plein la poitrine.
        La gloire d’une vallée m’arrête d’émerveillement.
        (Encore un horizon que je devrai à la délicatesse d’un tournant de sentier !)
        Un million de pampes crépitent.
        Tarins et pipits se tiennent clos et cois sous les ombrages, et les pies achalées ne se jacassent plus d’un arbre à l’autre.
[...]
        Certaine sauterelle orangée visite à la venvole un grand aubifoin des montagnes.
        - Tant de beauté (dôme d’azur, escarpements pour chèvres à sonnailles, sous-bois moussus, plateaux flattés de bise, épicéas fûtant droit au ciel), tant de bonheur est-il pour satisfaire une soif de possession, le goût impérieux du bien-être ? Pareille félicité, on soupirerait à la garder toute.
[...] Combloux, 1949.
Dents de lait dents de loup, Gallimard, 2005, p. 41

EXTRAIT SUR CE BLOG      Poezibao

Extrait d’Epiphanie

« Néanmoins, la vie sera élucidée.

Car à vingt ans tu optes pour l'enthousiasme, tu vois rouge, tu ardes, tu arques, tu astres, tu happes, tu hampes, tu décliques, tu éclates, tu ébouriffes, tu bats en neige, tu rues dans les brancards, tu manifestes, tu lampionnes, tu arpentes la lune, tu bois le lait bourru le vin nouveau l'alcool irradiant, tu déjeunes à la branche, tu pars à la découverte, tu visites l'air les champs les ruines les métropoles les stades et les musées les jungles et les églises les arènes les volcans les chutes les fjords les oueds les lagunes les bayous les caftons les toundras les déserts les grandes salles des châteaux les jardins suspendus les pyramides les mégalithes les catacombes les cavernes ornées les blanches montagnes les théâtres étoilés la mer Océane, tu bolides, tu pagaies, tu varappes, tu dribbles, tu crawles, tu voles à voile, tu hameçonnes les filles, tu t'amouraches, tu gamahuches, tu renverses la vapeur, tu déploies les couleurs, tu dérides les bonzes, épouvantes les bigotes, scandalises les vieux birbes, tu convoles un jour dans l'infanterie un jour vers les oiseaux-lyres les aigles-bugles les cygnes au cri de cuivre un jour avec les clartés furieuses les splendeurs d'ombre la nature, tu idéalises, tu ambitionnes, tu adores, tu détestes, tu brilles
.

A quarante ans je te retrouve rongeant ton frein, tu fondes sur la sympathie, il y a un cerne noir à toute chose, tu déshabilles du regard, tu convoites, tu prémédites, tu disposes tes chances, tu te profiles, tu places ton sourire tes phrases tes bouquets tes collets tes canapés, tu estimes, tu escomptes, tu commerces, tu carbures à prix d'argent, tu te pousses dans les milieux, tu médis du tiers et du quart ou fais du plat selon le rang, tu arroses, tu gobichonnes, tu prends du ventre, tu prends des mesures, tu prends médecine, tu te mets au vert, tu récupères, tu remets ça, tu enrobes et te lisses le cheveu, tu ne veux pas avoir l'air, tu opères comme en glissant, tu serpentes, tu attaques par le faible, tu escarmouches à petits coups de champagne, tu endors les chagrins, tu tamises les lampes, tu officies sous le manteau de la nuit... mais se réveiller : la grisaille la routine les manigances la vacherie... comme tu voudrais un jeu neuf! que s'il te l'était donné, tu laverais les sons, ressourcerais les images, procéderais à la toilette des Muses des Grâces des bonnes fées, or tu dissèques, tu calcules, tu cogites, tu épilogues, tu fais silence.

A soixante ans tu dates, tu radotes, tu perds la main l'ouïe tes dents, le coeur te faut, les jambes te flageolent, tu tombes en faiblesse, encore un peu et tu retombes dans une enfance touchée à mort.


 
Henri PICHETTE in Les Epiphanies. Extrait.

bel début de semaine Frankie 
anniversaire de la mort de passolini

 
 Si je reviens ce soir à la maison de la poésie. C'est complet...
 
 

1 commentaire:

  1. Une découverte pour moi, Pichette, à lire et à relire - merci!
    Terrible dessin pour Pasolini, terrible destin, terrible dessein...
    Bonne journée!

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