mardi 26 juin 2012

prologue de la traversée du grand fleuve premier jet


Elle avait habillé ses deux filles comme pour un grand jour de fête ainsi qu’elle même. Et, c’était pas un dimanche. Sa plus petite gigotait dans tous les sens tirant sur la main enfermée, retenue dans celle de sa mère. Courir après le tracteur, le chauffeur , l’employé de la minoterie. Il livrait les sacs de sons et d’avoine aux Anzil : les fermiers de l’autre côté de la rue. L’énervement de la mère est à son comble,  la petite prend une claque bruyante. Regard brulant et désapprobateur de l’employé à la mère. Il fait demi tour avec le tracteur et la remorque devant les trois statues sur le trottoir de l’île de pâques à Courçon d’Aunis. La petite ne quitte pas des yeux  l’homme du tracteur. Lui dans le  regard suppliant de la petite y voit un horizon infini, le rouge pivoine carminé de la gifle : un soleil crépusculaire. Les larmes coulent sans bruit. Le bruit retenu par un pansement de lèvres…  Les mâchoires de l’employé comme des baguettes japonaises, sur la prise d’un petit pois cru… Le tracteur hors de vue, la mélopée mandingue habille la scène des deux filles et leur mère ,devant la porte sur le trottoir, endimanchées . La petite  a les yeux fermés. Elle s’imagine comme chaque jour sur les genoux de l’employé ou assise sur les planches de la remorque. Le chant coule en elle comme une cascade d’eau enfin trouvée après une ascension sous le « Cania » soleil de midi aux Echelles de Saraday. Une autre gifle et l’ordre de la mère  égratigne les tympans les brouillent, l’extrait du chant : « regarde en haut de la rue de l’école communale . »

La petite écoute le lointain : les aboiements, les bidons de lait que l’on lave, le grincement du levier de la pompe. La mélopée n’est plus qu’en elle. Alors elle lève son museau  perdu dans le gonflements de ses joues, elle oscule le lointain qui était à 20 mètres. Un homme coiffé en arrière, plumes de corbeau, large front aux sourcils fourrageurs, court en corps , jambes longues, une bouche qui avait l’habitude d’être cousue, il fixait comme un naufragé la plage :  le trottoir , les trois bouées femelles. Habit blanc, képi de galons rouge, épaulette rouge lavette de chiottes, un paquetage kaki sur l’épaule. La petite regarde sa mère : elle est bâillante d’un sourire comme un melon charentais en plein champ, vert sur orange et l’ombre noire de la crevasse. La grande sœur une main tenue à la jupe froncée  de vichy ,carrés rose et blanc, sertie à la taille d’une ceinture large rouge très serrée, l’autre main activant sous le nez comme une sévillane un éventail, au moment de l’estocade du taureau . Ce  mouchoir est dégoulinant  d’eau de Cologne du mont saint Michel et d’eau bénite de Lourdes.

Le cuir des chaussures couinent à l’approche, une odeur de tabac froid brun ,froid dévaste le trottoir de la fragrance des pois de senteurs, des glycines, des capucines. L’homme s’arrête à une distance de bras. Les yeux marrons abritent une lueur de sourire dans l’auréole glacée. IL mate. Il va de l’une à l’une, à l’autre, de l’autre à l’une et après l’une. « embrasse ton père » dit la mère. « C'est  çà  :  mon papa ?...."

. . . .

"Pourquoi il a retiré sa couleur ?"

Très en colèère est la petite  qui retient difficilement un cri.

Frankie P()in La Maangou

Sous la direction d’Olivier Apert
résidence Médiathèque  Marguerite Duras

4 commentaires:

  1. Toute une découverte pour les enfants ce père. Jolie histoire.

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  2. comme tu écris bien!!!
    je rage de ne pas être disponible et tranquille jusqu'au moins le 11 juillet!! mais je ferai un rattrapage pour la suite de cette histoire ...on voit tellement la scène , la couleur des robes , le son du tracteur qui passe , le bruit de la gifle et des sanglots retenus...
    Je penserai à toi quand j'aurai le cœur qui bat au moment de nos soirées "Rencontres" au petit Lieu de Josy....
    Je serai dans la posture de la raconteuse..

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  3. l'an prochain si, tu te reproduis dans ce lieu j'y ai ma cousine qui y habite je pourrai te voir et peut-être pourras tu me filer les coordonnées pour que je m'y produise avec vous
    et je serai à la retraite
    gros bisous c'est beau les actes de paroles . c'est pareil l'importance des images et que les gens entede et vois merde pour toi et soit joyeuse ce sera gai

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  4. @garance
    J'ai adoré ton texte sur le retour de ton père. Autrement plus fort et puissant que la bluette.....

    merci garance.

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