Textes du jour de la blog-woman, phrases : colonne vertébrale, contes, légendes, mots d'humeurs, d'amour, lettres à la mer, recherche de connivence, complicité, ses dessins, ...la jazzeuse des grands chemins et sentes, écrivaine nomade des murmures de la vie intérieure et des happening minimalistes nés au hasard d'un banc public dans un parc aromatique , un abri bus , un train , un marché, les pas perdus d'un aérogare tous les lieux insolites pour une rencontre.
dimanche 17 mars 2013
merci la scie rêveuse de cette rencontre Gustave Roud
, poète suisse romand, n'a jamais quitté la terre de son enfance, le Haut Jorat. Une santé déficiente l'exile cependant très tôt de la vraie vie paysanne. Il sera le "rôdeur", celui qui erre dans la campagne. Roud y mêle sa distance, sa séparation, comme il se mêle à ce qu'il regarde. Il devient mouvement.
Plus profonde est la solitude d'une existence, plus angoissant le doute sur sa justification, plus impérieux devient alors le besoin de trouver la clé de son monde intérieur. Celui de Roud est peuplé, saisons après saisons, de collines douces, de chemins creux, de champs et d'horizons, de forêts, de ciels et de chants d'oiseaux. Toute son œuvre s'inscrit dans les limites de la terre:
"La neige a d'autres signes. Son épaule la plus pure, des oiseaux parfois la blessent d'un seul battement de plume. Je tremble devant ce sceau d'un autre monde. Ecoute-moi. Ma solitude est parfaite et pure comme la neige. Blesse-la des mêmes blessures. Un battement de cœur, une ombre, et ce regard fermé se rouvrira peut-être sur ton ailleurs."
"Requiem" éd.Payot, 1968
"Requiem" est le dernier recueil de Roud, celui qu'un homme vieillissant adresse à sa mère morte. Il s'apprête à la rejoindre dans son "ailleurs". Il sait que son temps d'"ici" est désormais compté et assiste , impuissant, à sa fuite comme à sa propre dégradation:
"Cette demeure que je n'ai plus la force d'assumer s'enlise dans les herbes mauvaises, sournoisement, les pierres des murailles descellées, une mousse aveugle sur chaque tuile, au cœur du jardin qui s'ensauvage sans retour... Ah! que tu ne saches rien de cette agonie. Comment pourrons-nous vivre dans un ici qui ne ressemble plus?... L'espace lui-même n'est plus sûr."
Faut-il chercher refuge plus loin en arrière, plus au centre de l'être? A chaque pas que Roud pose sur ces pages, lentement, hésitant, il se rapproche davantage de ce qui lui est le plus intérieur, le plus nécessaire.
Libéré du poids du monde d'"ici", il est prêt à accueillir le monde d'"ailleurs" qui lui donnera une nouvelle épaisseur. Les doutes sont abolis. Il laisse parler les oiseaux, dont il dit:"Je n'ai pas su tout de suite vous entendre..." S'instaure alors un étrange dialogue entre le poète et une hirondelle:
"Ecoute, j'ai veillé parfois jusqu'à l'aube sur la colline moissonnée. J'interrogeais sans fin le pur espace où bruissait encore, imperceptiblement, le vol de vos essaims invisibles. Peu à peu, l'âme s'ouvrait à ces profondeurs constellées et semblait les accueillir en soi jusqu'à rejoindre elle-même leur ampleur. Saisi, je ressentais toujours mieux cette invasion de l'étendue. Et l'instant vint où, si lointain que le but de votre vol pût m'apparaître, je l'entrevis en moi, comme si je contenais le monde..."
Et l'oiseau de répondre:
"Ne prolonge plus une attente sans issue, ferme les yeux, contemple, éprouve ta profonde réalité intérieure; ces grands espaces temporels liés entre eux par une transparence que l'amour seul peut parfaire. Qu'il y parvienne, et les retrouvailles sans prix te seront données. Oui, tu contiens le monde, il n'y a plus d'ailleurs pour toi dans l'étendue. Il n'y en aura plus au cœur du temps si tu l'assumes aussi..."
Le poète conclut alors:
"O mère, c'en est fini de ces questions remâchées au long des ans, dans l'usure de toute résignation, comme une herbe d'amertume.
O mère, un oiseau m'a donné la seule réponse. De deuil en deuil, il a fallu toute une vie, toute ma vie pour recevoir enfin ce don immérité: le secret qui va nous joindre. O mère, écoute: il n'y a plus d'ailleurs."
Pour tenter de rejoindre cet ailleurs, si vaste, Roud n'a eu d'autre nourriture que celle de sa terre natale, isolée, exiguë, d'autres compagnons qu'oiseaux, fleurs et prairies. Fuyant tout ce qui ne lui était proche qu'en surface ou en apparence , il a mené, à travers son œuvre, une quête tenace vers le dépouillement, avec cette fidélité à emprunter toujours les mêmes chemins, jusqu'à n'en retirer plus que leur essence, jusqu'à faire de leur tracé une parfaite transparence.
bon dimanche
Paris sous la pluie
françoise de la mangou vous salue dans la joie des jonquilles et narcisses qui seront éclos en fin de semaine
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l'article et citations a été trouvé sur le net et je remercie cette personne de l'emprunt c'était tellement bien fait pour découvrir cet auteur que j'ignorais mais ce ne sera plus le cas merci merci merci Monsieur.
RépondreSupprimerje mettrai le lien dés que je ré ouvre ce billet.
Il pleut; c'est la fête à la grenouille! Bon dimanche.
RépondreSupprimerSuperbe. Ce dialogue "d'entre" tombe m'a mis les larmes aux yeux. Merci pour cette découverte.
RépondreSupprimerChristiane Singer... J'avais lu, il y a quelques temps de cela, des extraits de son témoignage bouleversant juste avant d'accepter son départ au-delà des lisières de l'existence. Jamais écriture ne m'avait tant ébranlée, empoignée, déchirée, pénétrée. L'amour va au-delà de tout. Il n'a ni frontière, ni âge, ni fin. Ce livre en est un saisissant, poignant témoignage.