Textes du jour de la blog-woman, phrases : colonne vertébrale, contes, légendes, mots d'humeurs, d'amour, lettres à la mer, recherche de connivence, complicité, ses dessins, ...la jazzeuse des grands chemins et sentes, écrivaine nomade des murmures de la vie intérieure et des happening minimalistes nés au hasard d'un banc public dans un parc aromatique , un abri bus , un train , un marché, les pas perdus d'un aérogare tous les lieux insolites pour une rencontre.
vendredi 20 avril 2012
conte du vendredi : le Nain jaune de Dame Aulnoy
Madame d’Aulnoy
Le Nain jaune
1697-1698
Il était une fois une reine à laquelle il ne resta, de plusieurs enfants qu'elle avait eus, qu'une fille qui en valait plus de mille : mais sa mère se voyant veuve, et n'ayant rien au monde de si cher que cette jeune princesse, elle avait une si terrible appréhension de la perdre, qu'elle ne la corrigeait point de ses défauts ; de sorte que cette merveilleuse personne, qui se voyait d'une beauté plus céleste que mortelle, et destinée à porter une couronne, devint si fière et si entêtée de ses charmes naissants, qu'elle méprisait tout le monde.
La reine sa mère aidait, par ses caresses et par ses complaisances, à lui persuader qu'il n'y avait rien qui pût être digne d'elle : on la voyait presque toujours vêtue en Pallas ou en Diane, suivie des premières dames de la cour habillées en nymphes ; enfin, pour donner le dernier coup à sa vanité, la reine la nomma Toute-Belle ; et, l'ayant fait peindre par les plus habiles peintres, elle envoya son portrait chez plusieurs rois, avec lesquels elle entretenait une étroite amitié. Lorsqu'ils virent ce portrait, il n'y en eut aucun qui se défendît du pouvoir inévitable de ses charmes : les uns en tombèrent malades, les autres en perdirent l'esprit, et les plus heureux arrivèrent en bonne santé auprès d'elle ; mais sitôt qu'elle parut, devinrent ses esclaves.
Il n'a jamais été une cour plus galante et plus polie. Vingt rois, à l'envi, essayaient de lui plaire ; et après avoir dépensé trois ou quatre cents millions à lui donner seulement une fête, lorsqu'ils en avaient tiré un " cela est joli", ils se trouvaient trop récompensés. Les adorations qu'on avait pour elle ravissaient la reine ; il n'y avait point de jour qu'on ne reçût à sa cour sept ou huit mille sonnets, autant d'élégies, de madrigaux et de chansons, qui étaient envoyés par tous les poètes de l'univers. Toute-Belle était l'unique objet de la prose et de la poésie des auteurs de son temps : l'on ne faisait jamais de feux de joie qu'avec ces vers, qui pétillaient et brûlaient mieux qu'aucune sorte de bois.
La princesse avait déjà quinze ans, personne n'osait prétendre à l'honneur d'être son époux, et il n'y avait personne qui ne désirât de le devenir. Mais comment toucher un cœur de ce caractère ? On se serait pendu cinq ou six fois par jour pour lui plaire qu'elle aurait traité cela de bagatelle. Ses amants murmuraient fort contre sa cruauté ; et la reine, qui voulait la marier, ne savait comment s'y prendre pour l'y résoudre. " Ne voulez-vous pas, lui disait-elle quelquefois, rabattre un peu de cet orgueil insupportable qui vous fait regarder avec mépris tous les rois qui viennent à notre cour : je veux vous en donner un, vous n'avez aucune complaisance pour moi ?
- Je suis si heureuse, lui répondait Toute-Belle ; permettez, madame, que je demeure dans une tranquille indifférence ; si je l'avais une fois perdue, vous pourriez en être fâchée. - Oui, répliquait la reine, j'en serais fâchée si vous aimiez quelque chose au-dessous de vous ; mais voyez ceux qui vous demandent, et sachez qu'il n'y en a point ailleurs qui les valent. "
Cela était vrai ; mais la princesse prévenue de son mérite, croyait valoir encore mieux ; et peu à peu, par un entêtement de rester fille, elle commença de chagriner si fort sa mère, qu'elle se repentit, mais trop tard, d'avoir eu tant de complaisance pour elle.
Incertaine de ce qu'elle devait faire, elle fut toute seule chercher une célèbre fée, qu'on appelait la fée du désert ; mais il n'était pas aisé de la voir, car elle était gardée par des lions. La reine y aurait été bien empêchée, si elle n'avait pas su, depuis longtemps, qu'il fallait leur jeter du gâteau fait de farine de millet, avec du sucre candi et des œufs de crocodiles : elle pétrit elle-même ce gâteau et le mit dans un petit panier à son bras. Comme elle était lasse d'avoir marché si longtemps, n'y étant point accoutumée, elle se coucha au pied d'un arbre pour prendre quelque repos ; insensiblement elle s'assoupit, mais en se réveillant, elle trouva seulement son panier : le gâteau n'y était plus ; et, pour comble de malheur, elle entendit les grands lions venir, qui faisaient beaucoup de bruit, car ils l'avaient sentie.
" Hélas ! que deviendrai-je ? s'écria-t-elle douloureusement ; je serai dévorée. " Elle pleurait, et n'ayant pas la force de faire un pas pour se sauver, elle se tenait contre l'arbre où elle avait dormi : en même temps elle entendit : " Chet, chet, hem, hem. " Elle regarde de tous côtés, en levant les yeux, elle aperçoit sur l'arbre un petit homme qui n'avait qu'une coudée de haut, il mangeait des oranges et lui dit : " Oh ! reine, je vous connais bien, et je sais la crainte où vous êtes que les lions ne vous dévorent ; ce n'est pas sans raison que vous avez peur, car ils en ont dévoré bien d'autres ; et pour comble de disgrâce, vous n'avez point de gâteau. - Il faut me résoudre à la mort, dit la reine en soupirant, hélas j'y aurais moins de peine si ma chère fille était mariée ! - Quoi, vous avez une fille ? s'écria le Nain jaune (on le nommait ainsi à cause de la couleur de son teint et de l'oranger où il demeurait), vraiment, je m'en réjouis, car je cherche une femme par terre et par mer ; voyez si vous me la voulez promettre, je vous garantirai des lions, des tigres et des ours. " La reine le regarda, et elle ne fut guère moins effrayée de son horrible petite figure, qu'elle l'était déjà des lions ; elle rêvait et ne lui répondait rien.
" Quoi, vous hésitez, madame, lui cria-t-il, il faut que vous n'aimiez guère la vie ? " En même temps la reine aperçut les lions sur le haut d'une colline, qui accouraient à elle ; ils avaient chacun deux têtes, huit pieds, quatre rangs de dents, et leur peau était aussi dure que l'écaille et aussi rouge que du maroquin. A cette vue la pauvre reine, plus tremblante que la colombe quand elle aperçoit un milan, cria de toute sa force : " Monseigneur le Nain, Toute-Belle est à vous. - Oh ! dit-il d'un air dédaigneux, Toute-Belle est trop belle, je n'en veux point, gardez-la. - Hé, monseigneur, continua la reine affligée, ne la refusez pas, c'est la plus charmante princesse de l'univers. - Hé bien, répliqua-t-il, je l'accepte par charité ; mais souvenez-vous du don que vous m'en faites. " Aussitôt l'oranger sur lequel il était s'ouvrit, la reine se jeta dedans à corps perdu ; il se referma, et les lions n'attrapèrent rien.
suite vendredi prochain
et bo,n week end
on dit que le soleil revient dimanche !
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cher nain jaune tu n'attires pas les gens te connaissent et savent certainement la fin et que c'est long
RépondreSupprimerpas de chance
salut le nain jaune La Pompon
Une semaine avant de savoir la suite, c'est cruel! Bonne fin de semaine Frankie.
RépondreSupprimer"Une semaine avant de savoir la suite, c'est cruel!"
RépondreSupprimer- Oui, encore une semaine à attendre : ça fait mal mais c'est bon ; comme le disait Corneille : "...le désir s'accroit quand l'effet se recule"
De toutes façons, l'art du conteur consiste à suspendre le récit suffisamment pour concentrer l'attention de l'auditoire (comme certains profs qui, pour être écoutés de leurs élèves, parlent à voix basse afin que ceux-ci, curieux de comprendre leur chuchotis se taisent et les écoutent).
--> Demain 22 avril : n'oubliez pas votre balai.
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