mercredi 20 octobre 2010

la maison rubrique par sophie la brodeuse de mots

La paillote africaine



La première fois que je suis arrivée sur cette plage, on aurait dit une carte postale.

Des palmiers, des cocotiers, un ciel d’azur, du sable blanc et l’océan bleu marine, dont les vagues se frangeaient d’écume blanche.

J’était éblouie, absolument consciente qu’à mon jeune âge, voyageant comme une vagabonde sur le continent noir, je me trouvais face à un rêve universel de l’homme blanc…

Il n’y avait que moi et les enfants des villages côtiers qui se baignaient chaque jour.

Les deux premières nuits j’ai couchée sur la plage sous les cocotiers dont les noix se décrochaient et tombaient avec un bruit mat sur le sable.

Le troisième jour, en poussant plus loin ma promenade j’ai trouvée une paillote. Une vieille paillote toute sèche, abandonnée là par qui ? Je n’ai jamais su.

Je l’ai nettoyée des débris de coco qui la souillait et lorsqu’elle me parut prête, j’y installais mes maigres bagages.

Face à l’océan je passais mes journées à lézarder, protégée des regard indiscrets et des rayons trop ardent du soleil, je paressais : j’écrivais beaucoup, je tenais un carnet de voyage, je lisais, je dormais au plus fort des chaleurs caressée, par la brise océanique.

Les seules visites quotidiennes que je recevais étaient celle des pêcheurs qui alors pour 3 euros me vendaient des langoustes, ou des poissons rouge gros et charnus.

Celle de deux petites filles qui venaient chercher mes victuailles en riant de toute la blancheur de leurs dents magnifiques et partaient en courant.

Enfin, lorsque les ombres des palmiers s’allongeaient, que la nuit succédait au rougeoiements du coucher de soleil, précédée par une bonne odeur de poisson cuit ou de crevettes grillées venait la maman. Elle ne parlait pas un mot de français. Elle vivait trop loin des grandes villes pour avoir appris la langue des anciens colons. Mais même près de quinze ans après la décolonisation il lui semblait impossible de laisser une jeune femme blanche cuisiner seule ! Même si elle n’avait rien demandé !

En échange de ce service, pour ne pas l’offenser en la payant comme une domestique, j’achetais trop de poisson et en souriant lui donnait tout le surplus en mimant mon estomac trop petit pour tant de bonnes choses. Elle refusait, puis me laissant insister un peu, elle reprenait ses plats en laissant du riz dans un petit bol.

C’était notre rituel du soir, à nous seules, isolées par les parois ouvragées de la vieille paillote.

Je suis restée trois semaines dans cette fragile demeure; parfois secouée par les vents nocturnes venus du large, elle chantait des lamentations, et sous le soleil elle crépitait de plaisir. Son plancher de sable était si doux … Les enfants y dessinaient, y chantaient des comptines que je leur enseignais en français.

Que de joies ! Que de bonheurs furent abrités par cette paillote perdue sur une plage près de Sassandra, en Côte d’Ivoire.

J’ignore ce qu’il est advenu de mon coin de paradis, et c’est très bien comme ça.

Parfois il faut savoir ne pas regarder en arrière…

4 commentaires:

  1. Merci Françoise pour cette tranche de vie et comme tu es conteuse, on se laisse rapidement bercer par la grève océanique, des images plein la tête et ...quel beau voyage
    ;-)

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  2. Un coin de paradis dont tu sais parfaitement nous faire partager la simplicité et la quiétude. Merci

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  3. Bonjour, Françoise.

    Le noir et le blanc, la noire et la blanche,comme en une si douce masique, l'ombre et la lumière aussi caressaantes l'une que l'autre et la paillot transformée en une si belle école de vie et de partage.
    Oui, c'est le rêve...
    Merci beaucoup.
    Je t'embrasse.

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  4. Belle histoire de rencontre et de partage :))

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