Le Marteau sans maître, 1934
Commune présence
Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
René Char
***
Pyrénées
Pyrénées
in "Commune présence"
Montagne des grands abusés,
Au sommet de vos tours fiévreuses
Faiblit la dernière clarté.
Rien que le vide et l'avalanche,
La détresse et le regret!
Tous ces troubadours mal-aimés
Ont vu blanchir dans un été
Leur doux royaume pessimiste.
Ah! la neige est inéxorable
Qui aime qu'on souffre à ses pieds,
Qui veut que l'on meure glacé
Quand on a vécu dans les sables.
René Char
***
J'habite une douleur
J'habite une douleur
Le poème pulvérisé (1945-1947)
Ne laisse pas le soin de gouverner ton coeur à ces tendresses parentes de
l'automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie.
L'oeil est précoce à se plisser. La souffrance connaît peu de mots. Préfère te
coucher sans fardeau: tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger. Tu
rêveras que ta maison n'a plus de vitres. Tu es impatient de t'unir au vent, au
vent qui parcourt une année en une nuit. D'autres chanteront l'incorporation
mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier.
Tu condamneras la gratitude qui se répète. Plus tard, on t'identifiera à
quelque géant désagrégé, seigneur de l'impossible.
Pourtant.
Tu n'as fait qu'augmenter le poids de ta nuit. Tu es retourné à la pêche aux
murailles, à la canicule sans été. Tu es furieux contre ton amour au centre
d'une entente qui s'affole. Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais
monter. A quand la récolte de l'abîme? Mais tu as crevé les yeux du lion. Tu
crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires...
Qu'est-ce qui t'a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre?
Il n'y a pas de siège pur.
René Char
un poéme chante ou ne chante pas
Bourreaux de solitude Hangmen of solitude
Le pas s'est éloigné le marcheur s'est tu -
The step has gone away, the walker has fallen silent
Sur le cadran de l'imitation
On the dial of Imitation
Le Balancier lance sa charge de granit réflexe.
The Pendulum throws its instinctive load of granite.
sel de la splendeur René Char
·
· L'artisanat furieux
La roulotte rouge au bord du clou
Et cadavre dans le panier
Et chevaux de labours dans le fer à cheval
Je rêve la tête sur la pointe de mon couteau le Pérou.
The furious craftsmanship
The red caravan on the edge of the nail
And corpse in the basket
And plowhorses in the horseshoe
I dream the head on the point of my knife Peru.-
Bel édifice et les pressentiments
J'écoute marcher dans mes jambes
La mer morte vagues par dessus tête
Enfant la jetée promenade sauvage
Homme l'illusion imitée
Des yeux purs dans les bois
Cherchent en pleurant la tête habitable.
Stately building and presentiments
I hear marching in my legs
The dead sea waves overhead
Child the wild seaside pier
Man the imitated illusion
Pure eyes in the woods
Are searching in tears for a habitable head.
Poèmes extrait du recueil "le marteau sans maître" René Char
Avec toi ce matin les poèmes ont chanté à mon coeur de merveilleuses mélodies...René Char est un de mes poètes favoris...
RépondreSupprimerMerci Frankie c' est toujours bonheur de les respirer..:-))
Commencer la semaine en poésie, quelle meilleure façon de le faire ?
RépondreSupprimerBelle semaine Frankie.
Un très beau début de semaine.Un poète que je ne connais que de nom.
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