dimanche 26 août 2012

poésie avec René Char écoutaons chanter les mots bonne semaine de frankie


Le Marteau sans maître, 1934

Commune présence

Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.

Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.

René Char

***

Pyrénées

in "Commune présence"

Montagne des grands abusés,
Au sommet de vos tours fiévreuses
Faiblit la dernière clarté.
Rien que le vide et l'avalanche,
La détresse et le regret!
Tous ces troubadours mal-aimés
Ont vu blanchir dans un été
Leur doux royaume pessimiste.
Ah! la neige est inéxorable
Qui aime qu'on souffre à ses pieds,
Qui veut que l'on meure glacé
Quand on a vécu dans les sables.

René Char

***

J'habite une douleur

Le poème pulvérisé (1945-1947)

Ne laisse pas le soin de gouverner ton coeur à ces tendresses parentes de l'automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie. L'oeil est précoce à se plisser. La souffrance connaît peu de mots. Préfère te coucher sans fardeau: tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger. Tu rêveras que ta maison n'a plus de vitres. Tu es impatient de t'unir au vent, au vent qui parcourt une année en une nuit. D'autres chanteront l'incorporation mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier. Tu condamneras la gratitude qui se répète. Plus tard, on t'identifiera à quelque géant désagrégé, seigneur de l'impossible.

Pourtant.

Tu n'as fait qu'augmenter le poids de ta nuit. Tu es retourné à la pêche aux murailles, à la canicule sans été. Tu es furieux contre ton amour au centre d'une entente qui s'affole. Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais monter. A quand la récolte de l'abîme? Mais tu as crevé les yeux du lion. Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires...

Qu'est-ce qui t'a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre?

Il n'y a pas de siège pur.

René Char

 

 

 

un poéme chante ou ne chante pas

 

 

Bourreaux de solitude                                                                                Hangmen of solitude


Le pas s'est éloigné le marcheur s'est tu     - 

   The step has gone away, the     walker has fallen silent

Sur le cadran de l'imitation                                                                                

On the dial of Imitation

Le Balancier lance sa charge de granit réflexe.  

 The Pendulum throws its instinctive load of granite.

 

sel de la splendeur René Char 


  • ·      

    ·         L'artisanat furieux

    La roulotte rouge au bord du clou
    Et cadavre dans le panier
    Et chevaux de labours dans le fer à cheval
    Je rêve la tête sur la pointe de mon couteau le Pérou.

    The furious craftsmanship

    The red caravan on the edge of the nail
    And corpse in the basket
    And plowhorses in the horseshoe
    I dream the head on the point of my knife Peru.

  • Bel édifice et les pressentiments

    J'écoute marcher dans mes jambes
    La mer morte vagues par dessus tête
    Enfant la jetée promenade sauvage
    Homme l'illusion imitée
    Des yeux purs dans les bois
    Cherchent en pleurant la tête habitable.

    Stately building and presentiments

    I hear marching in my legs
    The dead sea waves overhead
    Child the wild seaside pier
    Man the imitated illusion
    Pure eyes in the woods
    Are searching in tears for a habitable head.

    Poèmes extrait du recueil "le marteau sans maître" René Char

3 commentaires:

  1. Avec toi ce matin les poèmes ont chanté à mon coeur de merveilleuses mélodies...René Char est un de mes poètes favoris...
    Merci Frankie c' est toujours bonheur de les respirer..:-))

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  2. Commencer la semaine en poésie, quelle meilleure façon de le faire ?
    Belle semaine Frankie.

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  3. Un très beau début de semaine.Un poète que je ne connais que de nom.

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