dimanche 5 août 2012

poésie pour la beauté d'un repos dominical





 

 

Ces mots ont été cueillis pour deux amis - deux frères- l'un se bat pour deux cancers  et l'autre pour sa famille car une petite fille est en souffrance  un œil en danger par le méchant crabe.


Offrir du jeu  dans leur vie,  par rapport à un réel collant tenace  et virago

bulle d'air pour se poser.


ces phrases les ont aidé, un niama , niama, (un petit rien en OULOF) elles datent d'une semaine la cueillette, les mots ont sonnés dans leur cœur,   alors maintenant je vous l'adresse  




 

René Char - L'esprit souffre (Moulin premier XXIX)

L'esprit souffre, la main se plaint.

L'humour entre eux comme un sextant écorché.

Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains.

La vérité attend l'aurore à côté d'une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu'importe à l'attentif.

Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému.

Il n'y a pas d'ombre maigre sur la barque chavirée.

Bonjour à peine est inconnu dans mon pays.

On n'emprunte que ce qui peut se rendre augmenté

Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de ne pas avoir de fruits.

On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.

Dans mon pays, on remercie.


René Char Qu'il vive (1968) (Extrait des Matinaux)

 

j'ai pas noté l'auteur

 

Vivant ne vivant plus
les amants séparés
ne peuvent pas dormir
redisant le nom de l'amour
et de la source inconsolable
                       
Criant ne criant plus
la bouche enfoncée dans la nuit
ils roulent sur l'oreiller impossible du temps
et c'est le temps qui les nourrit
                                    
Leurs deux noms enlacés dans la matière noire
les amants séparés ne peuvent pas dormir
priant que le temps passe
priant et suppliant
que le temps de l'amour ne passe jamais
vivant ne vivant plus
vivant l'inexorable.

 

 

 

Cesare Pavese - Rêve

Ton corps rit-il toujours sous la caresse pénétrante

de la main ou de l’air, retrouve-t-il dans l’air

d’autres corps quelques fois ? Il en resurgit tant

d’un frisson du sang, d’un néant. Le corps qui s’étendit

près de toi, te cherche lui aussi ce néant.

             

C’était un jeu léger de penser qu’un jour

resurgirait la caresse de l’air, souvenir

jaillissant tout à coup du néant. Ton corps

s’éveillerait un matin, amoureux

de sa propre ferveur, dans l’aube déserte.

un souvenir pénétrant te parcourait

et un sourire pénétrant. Cette aube revient-elle ?

             

Cette fraîche caresse se serrerait

contre ton corps dans l’air et au cœur de ton sang,

et tu saurais alors que l’instant de ferveur

dans l’aube répondrait à un autre frisson,

Frisson né du néant. Tu le saurais

comme en un jour lointain tu savais

qu’un corps s’étendant près de toi.

tu dormais légère

sous un air rieur de corps fugitifs,

amoureuse d’un néant. Le pénétrant sourire

te parcourut figeant ton regard de stupeur.

cette aube, n’est-elle plus revenue du néant ?

                 


 

 

Basho                 

L’eau est si froide

Qu’elle ne peut s’y endormir

la mouette.

                            

Les cigales vont mourir –

Mais leur cri

N’en dit rien

                           

Les sangliers eux-mêmes

Sont emportés

Par la tempête d’automne

                               

De temps en temps les nuages

Nous reposent

De tant regarder la lune

 

 

 

William Blake - Mon gentil rosier

Une fleur me fut offerte

Telle que Mai n’enfanta jamais ;

Mais je me dis : « J’ai un gentil rosier.»

Et je négligeai la douce fleur.

       

Puis j’allai voir mon gentil rosier

Pour le soigner jour et nuit ;

Mais ma rose se détourna avec jalousie

Et ses épines furent mes seules délices.

 

 

Yves Bonnefoy - Une pierre

Elle(il)désirait, sans connaître,

Elle(il)a péri, sans savoir,

Arbres, fumées,

Toutes lignes de vent et de déception

Furent son gîte,

Elle(il) n'a étreint que sa mort.

 

 

Aimé Césaire - Et elle est debout la négraille (Extrait de Cahier d'un retour au pays natal)

Et elle est debout la négraille

               

la négraille assise

inattendument debout

debout dans la cale

debout dans les cabines

debout sur le pont

debout dans le vent

debout sous le soleil

debout dans le sang

debout

et

libre

debout et non point pauvre folle dans sa liberté et

son dénuement maritimes girant en la dérive parfaite

et la voici :

plus inattendument debout

debout dans les cordages

debout à la barre

debout à la boussole

debout à la carte

debout sous les étoiles

             

debout

et

libre

          

et le navire lustral s'avancer impavide sur les eaux écroulées. 

 

 

                     - Comptine

Aimé Césaire

C'est cette mince pellicule sur le remous du vin mal déposé de la mer

c'est ce grand cabrement des chevaux de la terre

arrêtés à la dernière seconde sur un sursaut du gouffre

c'est ce sable noir qui se saboule au hoquet de l'âbime

c'est du serpent têtu ce rampement hors naufrage

cette gorgée d'astres revomie en gâteau de lucioles

cette pierre sur l'océan élochant de sa bave

une main tremblante pour oiseaux de passage

ici Soleil et Lune

font les deux roues dentées savamment engrenées

d'un Temps à nous moudre féroce

c'est ce mal être

cette fiente

ce sanglot de coraux

c'est fondant du ciel mémorable

jusqu'au leurre de nos coeurs rouges à l'aube

ce bec de proie rompant la poitrine inhospitalière

cage

et

marécage

C'est cet émouchet qui blasonne le ciel de midi de nos noirs coeurs planant

ce rapt

ce sac 

ce vrac

cette terre

 

 

Daniel Boulanger - Retouche à l'Homme

Il se fait des contes et ne peut les suivre,

la terre à sa cheville.

Alors, il redevient l’enfant inconsolable

et mains au dos

brise le jouet du temps

 

 

 

Christian Bobin - La folle allure (Extrait)

La légèreté, elle est partout, dans l’insolente fraîcheur des pluies d’été, sur les ailes d’un livre abandonné au bas d’un lit, dans la rumeur des cloches d’un monastère à l’heure des offices, une rumeur enfantine et vibrante, dans un prénom mille et mille fois murmuré comme on mâche un brin d'herbe, dans la fée d’une lumière au détour d’un virage sur les routes serpentines du Jura, dans la pauvreté tâtonnante des sonates de Schubert, dans la cérémonie de fermer  lentement les volets le soir, dans une fine touche de bleu, bleu pale, bleu-violet, sur les paupières d’un nouveau-né, dans la douceur d’ouvrir une lettre attendue, en différant une seconde l’instant de la lire, dans le bruit des châtaignes explosant au sol et dans la maladresse d’un chien glissant sur un étang gelé, j’arrête là, la légèreté , vous voyez bien, elle est partout donnée. Et si en même temps, elle est rare, d’une rareté incroyable, c’est qu’il nous manque l’art de recevoir, simplement recevoir ce qui nous est partout donné.

   

Andrée Chedid - Enigme

La vie
Secrète
L'insondable énigme
         
Le temps
Réduit
Cette aventure du souffle
A l'aune d'un sablier
         
En nos corps dissemblables
En nos visages divers
Quelle symphonie traduisons-nous
Quel récit, Quel livre ouvert
De notre chair si concrète
D'où tirons-nous lumière ?
      
Chaqun côtoie
Le fleuve des présences
Personne n'escorte
La mer.

 

 

Terre vive

Depuis hier, la poésie de "Mare Nostrum" est orpheline.

Andrée Chedid, 

l'une de ses grandes figures s'en est allée pour son dernier voyage.
Elle symbolisait l'âme du brassage des cultures en Méditerranée : née au Caire de parents libanais, elle arrivera en France à l'âge de 26 ans après un séjour de quelques années au Liban.
Romancière et poétesse de grand talent, sa vaste oeuvre littéraire s'exprimera aussi bien en français, qu'en anglais et arabe.
Relisons encore une fois l'un de ses beaux poèmes.
          
Où la mer lentement progresse,
là-bas, reposent les îles.
       
Sur l'eau accablé de ténèbres,
l'homme recueillait les promesses
d'un soleil bientôt absent.
De ce temps-là, le vent des démesures se laissait boire,
les colonnes du silence veillaient.

Au loin, la mer délaisse son noueux combat ;
Embrasse l'île envoilée. Se confie, éprise.

Là-bas,
la terre ne parle pas pour rien.

 S'acheminer

Tantôt profanes tantôt magiques

Perclus d’ombres et d’élans

Equipés pour l’ascension

Comme pour la chute

Nous cheminons

 

Nous nous acheminons.

 Sans réponse

A chaque souffle qui se perd

Dans les marais de l’âme

A chaque force qui s’étiole

Dans le vaisseau du corps

   

Je sonde l’ingénieuse vie

Gardienne de nos arcanes

Sa réponse inaudible

Multiplie nos fictions.

 

Andrée Chedid - L'intime horizon

Loin des berges stridentes

Egarer l’ancre

Rompre les amarres

          

Suivre l’appel

De l’intime horizon.

Andrée Chedid - Epreuve du visage

Qui

Se tient

Derrière le pelage du monde ?

   

Quel visage au front nu

Se détourne des rôles

    

Ses yeux inversant les images

Sa bouche éconduisant les rumeurs ?

   

Quel visage

Veillant par-delà sa vue

Nous restitue

Visage ?

     

Quel visage

Surgi du fond des nôtres

Ancré dans l’argile

S’offre à l’horizon ?

 Chant de l'amour passé

Dans l'eau des rivières mortes

Chevalier sans armure

A quoi sert de te mirer

            

Je te regarde

Il n'est plus de mystère

Au jour désenchanté

                 

Voir les jardins se referment

L'arbre renonce à ses prodiges

Le songe s'est dévoré

Toute vie

Amorça

Le mystère

Tout mystère

Se voilà

De ténèbres

Toute ténèbre

Se chargea

D’espérance

Toute espérance

Fut soumise

A la vie

 - L'Eau perpétuelle

Quand je glisse en tes yeux,

Une allée me prolonge

Loin du mortel pays

              

Amour, il fallait bien que tu sois.

                 

Au bord des rives où tout trépigne et s’efface ;

Il fallait bien que l’eau perpétuelle

Nous donne ce qui est plus que la vie.

.

 

               Bon dimanche Frankie, je vous embrasse

 

 

 

 

 

 

2 commentaires:

  1. Malgré le propos grave, j'ai retrouvé avec plaisir le niama niama tant utilisé et que j'avais - presque - oublié! Mais ton billet ce n'est pas un niama niama. Il est bien pensé pour consoler - ce qui est consolable. Merci pour ces extraits que je reviendrai lire, pour m'apaiser.

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  2. Merci Frankie pour ces beaux textes...
    Suis bien triste de la savoir partie , tant j' aime Andrée Chédid , Bobin , Char ..:-))
    Merci, de tout coeur

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