« Je
me suis fait écrivain ou plus exactement je me suis laissé faire
écrivain pour disposer d’un temps pur, vidé de toute occupation
sérieuse… Je cherche dès le réveil ce qui est nécessaire au jour pour
être un jour : un rien de gaieté. Je cherche sans chercher. Cela peut
venir de partout. C’est donné en une seconde pour la journée entière. La
gaieté, ce que j’appelle ainsi, c’est du minuscule et de
l’imprévisible…À la question toujours encombrante : qu’est-ce que tu
écris en ce moment, je réponds que j’écris sur des fleurs, et qu’un
autre jour je choisirai un sujet encore plus mince, plus humble si
possible. Une tasse de café noir. Les aventures d’une feuille de
cerisier. Mais pour l’heure, j’ai déjà beaucoup à voir : neuf tulipes
pouffant de rire dans un vase transparent. Je regarde leur tremblement
sous les ailes du temps qui passe. Elles ont une manière rayonnante
d’être sans défense, et j’écris cette phrase sous leur dictée : «Ce qui
fait événement, c’est ce qui est vivant, c’est ce qui ne se protège pas
de sa perte. » (p.10 et 11)
« Geai
était morte depuis deux mille trois cent quarante-deux jours quand elle
commença à sourire…Donc le sourire de Geai, noyée dans le lac de
Saint-Sixte, en Isère, commença à donner de plus en plus de lumière.
Geai parfois remontait à la surface, parfois descendait au fond du lac.
Intacte. Indemne... Prise sous les glaces, à deux centimètres de la
surface… On ne peut commencer à dire quelque chose de la puissance de ce
sourire qu’avec la venue d’Albain, huit ans…Il a marché jusqu’au milieu
du lac et il a vu la robe rouge, le visage de Geai et le sourire sur le
visage…Geai a cligné de l’œil en le voyant. Geai a toujours été réjouie
par l’apparition d’enfants…Geai est allongée sous un drap de deux
centimètres de glace…Albain est allongé sur Geai, ou plus exactement sur
la glace en dessous de laquelle Geai sourit. Ils se regardent.
Longtemps. Visage contre visage. Le sourire d’Albain répond au sourire
de Geai. Les deux sourires bavardent. Très, très longtemps… » (p. 9/12)
« Je
rouvre le carnet noir. Je lis : « À l’instant de prendre la photo, je
ne vois rien. » Je pense que votre grâce est là : c’est parce que vous
êtes aveugle, totalement aveugle et oublieux de vous-même, au moins une
seconde, un dixième de seconde, que vous nous donnez à voir. Quand vous
photographiez un couple, vous êtes ce couple, cet entrelacement des bras
et des songes, et vous êtes aussi, dans le même dixième de seconde, le
ciel qui vole par-dessus les baisers et les grains de sable qui roulent
sous les pieds des amants. L’amour nous met en apesanteur et vos images
diffusent le même bien-être…Voir ce qui est quand vous n’y êtes plus :
c’est à cette transparence que vous atteignez, comme si la somme de
plusieurs absences donnait une pure présence. Les amants oublient le
photographe, le photographe oublie qu’il prend la photographie et tout
le monde est là, indemne comme au premier jour. Il n’y a que des
premiers jours, il n’y a jamais eu qu’un seul jour dans le monde… »
extrait de ce blog
belle semaine et de belles pensées pleines d'amour de tendresse , sourires et joies simples donnant du coeur à l'ouvrage
Frankie je vous embrasse
"Ce qui est nécessaire au jour pour être un jour"
RépondreSupprimerà chercher toute la semaine ... avec mon affection pour toi.
les petites grandes choses de chaque jour... sans ça, oui la vie s'ennuie. Merci Frankie !
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