vendredi 14 septembre 2012

Balbutiement du voayge à l'autre


J’aimais me rendre chez le fils du capitaine des plantes. Jean... j’adorais le moment du thé. Sa mère nous faisant venir au salon, lui en adolescent pré pubère respectant cette race là : ours . Il laissait la porte ouverte de sa chambre donnant sur le canapé. Il restait dans son univers .Madame Desplantes et moi nous partagions la banquette. Quand elle se penchait pour nous servir le thé , j’apercevais dans l’entrebâillement de son corsage sa poitrine sertie dans son soutien gorge de dentelles. Cela ne ressemblait pas à ceux de maman . Mon cœur battait dans ma poitrine à ce moment là. Les yeux en arrêt , soumise à cette vision jusqu’au moment où elle me disait :

La femme du Capitaine

Servez-vous donc quelques gâteaux . J’aime ce thé Pénélope avec vous , cela coupe mon après midi, vous êtes si attentive à mes mots qu’avec vous je les sens vivre exister. Entre mon fils et mon mari le règne du silence est étouffant.


Pénélope

Je comprends. Est-ce parce que l’on est militaire que l’on doit se taire même  autour de la table familiale ?


La femme du Capitaine

Je crains Pénélope que la deuxième guerre mondiale , et la guerre d’Algérie aient mis du plomb dans le puits de leur être , ils nous  en arrosent l’état brut de leur démangeaison interne . (silence ). T’es encore si petite Pénélope   , si petite encore .

Pénélope

Mais pourquoi Jean ,lui,  est silencieux ?


La femme du Capitaine

Oh ! c’est l’âge ! et puis le modèle de son papa le capitaine d’armée et . . .  ,  çà fait des entailles dans l’émission généreuse de la parole. Ce sont les femmes qui cancanent, des « pintades » comme dit mon mari. C’est si bon de parler. Il y a rien de tel pour me mettre en joie .  Il faut dire que vos mots même s’ils sont toujours dans le désordre sont  merveilleux . Vous êtes drôle,


Pénélope

,   ma maman l’est aussi.   Parfois, nous n’avons pas toujours à manger dans notre assiette mais quand papa est de garde , que nous sommes toutes les trois avec la chienne ,elle nous fait  rire tout le repas, devant la gamelle vide et quand on sort de table, nous croyons à nos tripes que nous avons fait un festin .


Après le thé j’allais m’asseoir à côté de Jean , heureuse, j’attendais qu’il se passe quelque chose.  Quoi ? Je ne savais pas quoi. Je sentais  de points électriques partout sous ma peau, et plus je me retenais à le dire - çà vous la coupe la spontanéité quand quelqu’un parle pas- tout cela m’envahissait. Chaque chose qui se passait dans cette chambre devenait comme allumé de mille lucioles ou les fanions d’un bal. Je pense , mais à cette période de ma vie 12 ans et demi,  j’avais posé sur lui mon dévolu, sur lui. Un état amoureux, mes premières gamberges .


. Camp d’Auvors  , Le Mans place de la Couture l’église et la sous préfecture il y avait 15 à 17 kilomètres, nous étions au fond du bus militaire , nous relisions côtes à côtes nos leçons, j’imaginais qu’un jour il me donnerait un baiser , ou me prendrait ma main . J’osais à peine le regarder, de peur qu’il lise dans mes yeux .


Alors ce jour là quand il m’avait fait l’invitation de venir le visiter dans l’après midi du jeudi : ce fut un très grand bonheur surtout que nous étions depuis quelques temps  séparés . Nous avions l’un l’autre déménagés lui, l’entrée des Sablons dans les villas neuves, moi dans les nouveaux immeubles de la Zup des Sablons . Voisins quand même.


J’avais le cœur battant. Notre dernière entrevue s’était quand avec ma maman nous nous étions venues rendre visite à la femme du Capitaine afin qu’elle puisse intervenir auprès de son mari  pour qu’à la cour martiale son capitaine de mari puisse  faire en sorte que notre père et mari ne soit pas exclus de l’armée pour sa femme et ses deux filles.


Avec maman nous n’en menions pas large quand nous avions traversé le terrain d’herbes et de bruyères qui nous séparait de notre face à face,  au camp d’Auvors . J’aurai voulu que Jean ne soit pas là  . Ne pas entendre ce que nous allions débattre avec Madame Desplantes. Maman  me donnait la main , me serrait la main très fort. Quand nous nous regardions  nous étions transies de peur  et je disais :

 « Maman , c’est une dame gentille, elle aime bien prendre le thé avec moi, elle a beaucoup d’estime pour toi quand je dis combien nous rions à table quand nous n’avons rien à manger ».

La maman

 « T’es folle de raconter çà »

Pénélope

 C’est pas  un mensonge , c’est vrai

La maman

Çà ne se dit pas.

Pénélope

C’est venu comme çà dans la conversation , je ferai plus attention la prochaine fois…


Nous marchions presque à reculons. Nous portions la honte sur nous. Le père : s’endormir saoul avec une cigarette et avoir mis le feu au camp : c’était lui l’instructeur. Il ne pouvait plus diriger les hommes , il leur devait la protection .


Pénélope

Maman simplement une mutation comme d’habitude


La maman


Ma Pénélope cette fois-ci, c’est plus grave.


Pénélope

Elle nous attend pour le thé. Nous allons lui expliquer.


Nous fûmes très bien accueillies, La femme du capitaine félicita ma maman de son courage , et de bien élevée ses filles, et qu’elle est très heureuse de me recevoir le soir à la sortie de l’école. Elle disait à ma maman qu'elle appréciait nos conversations…


En sortant

Pénélope

Tu vois maman soit sans crainte , tu as vu comme elle te respecte, elle aussi est une maman, si tu savais comme elle s’ennuie dans le silence de son fils et de son mari… Elle va se battre pour toi et tes filles.

La maman

D’être là, ma Chérie, ma Pénélope tu m’as enlevée une épine du pied .


Notre appel au capitaine avait évité l’expulsion de l’armée, il fut simplement dégradé.


J’étais contente de revenir chez le capitaine Despantes. Après ce jour de la supplication , il n’y avait plus eu de thé. Alors ce retour me faisait du bien , comme s’il diluait un nuage qui même si je n’étais pas responsable de l’acte  et des conséquences de mon papa , j’étais sa fille et  il y a , c’est sur , des éclaboussures sur nous , alors là , quelle joie que cette invitation.


J’étais apprécie pour ce que j’étais, tout sonnait bien dans mon cœur. Boire le thé avec Madame Capitaine , être dans sa chambre à attendre  qu’un oiseau rentre par la fenêtre mêle nos émois . . . Que sais - je ?  L’émulsion pétillait. Une douce ébullition, des lancers de bulles de savon  arc en ciel . Il lirait un chapitre d’une histoire moi l’autre  . C’était cela une caresse : nos voix qui se relayaient dans la même histoire que nous lirions. Oui c’est çà la caresse.


Dans sa résidence des villas neuves , la terre avait le ventre à l’air. Il avait plu , c’était en hiver, il y avait de la boue, je faisais attention de ne pas trop salir mes souliers du dimanche. J’avais mis ma robe du dimanche. Grand mère n’était plus de notre monde alors fini les gâteries des robes supplémentaires, la tenue de la semaine , le tablier rose , le tablier bleu , la robe du dimanche. Maman n’avait jamais su tenir une aiguille. Elle ne l’avait jamais désiré sauf pour les broderies et le canevas , mais nous bâtir des robes, çà non. Je m’y étais attelée  , je m’achetais des bouts de tissus mais les résultats si dans ma tête ils étaient chics, réalisés : çà tombait pas comme avec Mémé. Et pour cette visite  je devais être très belle : c’était une forme de remerciement à Madame la Capitaine et pour Jean : des retrouvailles. J’étais fière de mon attirail pour cette occasion .Mon cœur battait très fort dans ma poitrine quand j’avais frappée à la porte. Il n’y avait pas la Panhard verte olive , il avait certainement un garage.

Jean

« Bonjour, viens par là ! »

Pénélope

à elle même

Pas de visite de la maison, pas de bonjour à la maman.


 Attends bouscule pas, j’ai mon après midi. Dis-je  gênée de cet empressement. Je vais dire bonjour à ta maman.

Jean

Elle est pas là .

Pénélope

Ah bon !

Jean

Tu as l’air déçue !

Pénélope


J’aime ce moment du thé avec ta maman. Dans la visite  toujours le thé. J’aime ses mots.

Jean

là où je t’emmène tu n’en auras pas besoin.


Pénélope

C’est par les mots que je voyage le plus loin .


Il  la pousse dans sa chambre. Les volets  sont fermés, la lumière est éteinte, il ferme la porte . Nous sommes dans le noir . Ils portent ses mains sur la poitrine. Il triture les seins comme des passages d’essuie glace,   en même temps la dirige vers le lit , l’allonge , lui remonte la robe du dimanche



Pénélope

,  t’es fou , bats les pattes, je vais crier.


Jean

Tu peux crier : personne ne t’entendras, on est la seule villa habitée , les ouvriers avec leur bétonneuse (rires). Et la ramènes pas . Et tu ne pourras jamais rien dire à tes parents.


Il continue  l’exploration de son corps mains pataudes, laboureuses, hyperactives, se cognant partout,  alors   elle rassemble toutes ses forces en un coup de reins de cheval de race, elle est debout et elle attrape mon sac à main à tâtons, elle s’ expulse hors de cette chambre , de cette maison, comme un vomis prêt à gerber à tout éclabousser.


Elle rentre à sa maison , sa sœur toujours à s’ enfermer dans leur  chambre. Elle change la robe pour celle de la semaine, elle nettoie les fortes odeurs des aisselles et la met à sécher dans la salle à manger

Elle s’allonge sur le lit de sa maman. Leur père ne vient que de temps en temps il a été muté à Grandville.


Elle est recroquevillée serrant très fort le polochon sous le dessus de lut bordée par sa grand mère , elle se balance  comme un lever bercement d’elle sort une longue plainte qui vient de son tréfonds.


Elle ne racontera jamais cette histoire . Un jour elle est ressortie en travail analytique, alors couchons là   sur la table de buis des mots. Elle  éteindra le feu ancien, qui fait brèche aux hyènes de l’humain.

 

auteure Françoise Pain La Mangou 


 


Photo de Fabrice Lassort de Bordeaux



2 commentaires:

  1. Frankie quelle belle histoire, je suis tout émue...

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    1. quelle nana tu es tu me surprends chaque jour , on dirait un peu du Bobi la pointe ton écriture
      tu devrais si tu ne la pas encore fait t'essayer au chanson
      car , çà chante bien
      et merci pour ton retour sur les balbutiements , cela me touche beaucoup;
      j'y ai refait un tour de correction, des échappées de la correction.
      bisous

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