J’aimais me rendre chez le fils du
capitaine des plantes. Jean... j’adorais le moment du thé. Sa mère nous faisant
venir au salon, lui en adolescent pré pubère respectant cette race là :
ours . Il laissait la porte ouverte de sa chambre donnant sur le canapé. Il
restait dans son univers .Madame Desplantes et moi nous partagions la
banquette. Quand elle se penchait pour nous servir le thé , j’apercevais dans
l’entrebâillement de son corsage sa poitrine sertie dans son soutien gorge de
dentelles. Cela ne ressemblait pas à ceux de maman . Mon cœur battait dans ma
poitrine à ce moment là. Les yeux en arrêt , soumise à cette vision jusqu’au moment
où elle me disait :
La femme du Capitaine
Servez-vous donc
quelques gâteaux . J’aime ce thé Pénélope avec vous , cela coupe mon
après midi, vous êtes si attentive à mes mots qu’avec vous je les sens vivre
exister. Entre mon fils et mon mari le règne du silence est étouffant.
Pénélope
Je
comprends. Est-ce parce que l’on est militaire que l’on doit se taire même autour de la table familiale ?
La femme du Capitaine
Je
crains Pénélope que la deuxième guerre mondiale , et la guerre d’Algérie aient
mis du plomb dans le puits de leur être , ils nous en arrosent l’état brut de leur démangeaison
interne . (silence ). T’es encore si
petite Pénélope , si petite encore .
Pénélope
Mais pourquoi Jean
,lui, est silencieux ?
La femme du Capitaine
Oh ! c’est
l’âge ! et puis le modèle de son papa le capitaine d’armée et . . . , çà fait
des entailles dans l’émission généreuse de la parole. Ce sont les femmes qui
cancanent, des « pintades » comme dit mon mari. C’est si bon de
parler. Il y a rien de tel pour me mettre en joie . Il faut dire que vos mots même s’ils sont
toujours dans le désordre sont
merveilleux . Vous êtes drôle,
Pénélope
,
ma maman l’est
aussi. Parfois, nous n’avons pas
toujours à manger dans notre assiette mais quand papa est de garde , que nous
sommes toutes les trois avec la chienne ,elle nous fait rire tout le repas, devant la gamelle vide et
quand on sort de table, nous croyons à nos tripes que nous avons fait un
festin .
Après le thé j’allais m’asseoir à côté de
Jean , heureuse, j’attendais qu’il se passe quelque chose. Quoi ? Je ne savais pas quoi. Je sentais de points électriques partout sous ma peau, et
plus je me retenais à le dire - çà vous la coupe la spontanéité quand quelqu’un
parle pas- tout cela m’envahissait. Chaque chose qui se passait dans cette
chambre devenait comme allumé de mille lucioles ou les fanions d’un bal. Je
pense , mais à cette période de ma vie 12 ans et demi, j’avais posé sur lui mon dévolu, sur lui. Un
état amoureux, mes premières gamberges .
.
Camp d’Auvors , Le Mans place de la Couture l’église et la
sous préfecture il y avait 15 à 17 kilomètres, nous étions au fond du bus
militaire , nous relisions côtes à côtes nos leçons, j’imaginais qu’un jour il
me donnerait un baiser , ou me prendrait ma main . J’osais à peine le
regarder, de peur qu’il lise dans mes yeux .
Alors ce jour là
quand il m’avait fait l’invitation de venir le visiter dans l’après midi du
jeudi : ce fut un très grand bonheur surtout que nous étions depuis
quelques temps séparés . Nous avions
l’un l’autre déménagés lui, l’entrée des Sablons dans les villas neuves, moi
dans les nouveaux immeubles de la
Zup des Sablons . Voisins quand même.
J’avais le cœur
battant. Notre dernière entrevue s’était quand avec ma maman nous nous étions
venues rendre visite à la femme du Capitaine afin qu’elle puisse intervenir auprès
de son mari pour qu’à la cour martiale
son capitaine de mari puisse faire en
sorte que notre père et mari ne soit pas exclus de l’armée pour sa femme et ses deux
filles.
Avec maman nous
n’en menions pas large quand nous avions traversé le terrain d’herbes et de
bruyères qui nous séparait de notre face à face, au camp d’Auvors . J’aurai voulu que Jean
ne soit pas là . Ne pas entendre ce que
nous allions débattre avec Madame Desplantes. Maman me donnait la main , me serrait la main très
fort. Quand nous nous regardions nous
étions transies de peur et je
disais :
« Maman , c’est une dame gentille, elle
aime bien prendre le thé avec moi, elle a beaucoup d’estime pour toi quand je
dis combien nous rions à table quand nous n’avons rien à manger ».
La maman
« T’es folle de raconter çà »
Pénélope
C’est
pas un mensonge , c’est vrai
La maman
Çà ne se dit
pas.
Pénélope
C’est venu comme
çà dans la conversation , je ferai plus attention la prochaine fois…
Nous marchions presque à reculons. Nous
portions la honte sur nous. Le père : s’endormir saoul avec une cigarette
et avoir mis le feu au camp : c’était lui l’instructeur. Il ne pouvait
plus diriger les hommes , il leur devait la protection .
Pénélope
Maman simplement
une mutation comme d’habitude
La maman
Ma Pénélope
cette fois-ci, c’est plus grave.
Pénélope
Elle nous attend
pour le thé. Nous allons lui expliquer.
Nous fûmes très bien accueillies, La
femme du capitaine félicita ma maman de son courage , et de bien élevée ses
filles, et qu’elle est très heureuse de me recevoir le soir à la sortie de
l’école. Elle disait à ma maman qu'elle appréciait nos conversations…
En sortant
Pénélope
Tu vois maman
soit sans crainte , tu as vu comme elle te respecte, elle aussi est une maman,
si tu savais comme elle s’ennuie dans le silence de son fils et de son mari…
Elle va se battre pour toi et tes filles.
La maman
D’être là, ma
Chérie, ma Pénélope tu m’as enlevée une épine du pied .
Notre appel au capitaine avait évité
l’expulsion de l’armée, il fut simplement dégradé.
J’étais contente
de revenir chez le capitaine Despantes. Après ce jour de la supplication , il
n’y avait plus eu de thé. Alors ce retour me faisait du bien , comme s’il
diluait un nuage qui même si je n’étais pas responsable de l’acte et des conséquences de mon papa , j’étais sa
fille et il y a , c’est sur , des
éclaboussures sur nous , alors là , quelle joie que cette invitation.
J’étais apprécie
pour ce que j’étais, tout sonnait bien dans mon cœur. Boire le thé avec Madame Capitaine
, être dans sa chambre à attendre qu’un
oiseau rentre par la fenêtre mêle nos émois . . . Que sais - je ? L’émulsion pétillait. Une douce ébullition,
des lancers de bulles de savon arc en
ciel . Il lirait un chapitre d’une histoire moi l’autre . C’était cela une caresse : nos voix
qui se relayaient dans la même histoire que nous lirions. Oui c’est çà la
caresse.
Dans sa
résidence des villas neuves , la terre avait le ventre à l’air. Il avait plu ,
c’était en hiver, il y avait de la boue, je faisais attention de ne pas trop
salir mes souliers du dimanche. J’avais mis ma robe du dimanche. Grand mère
n’était plus de notre monde alors fini les gâteries des robes supplémentaires,
la tenue de la semaine , le tablier rose , le tablier bleu , la robe du
dimanche. Maman n’avait jamais su tenir une aiguille. Elle ne l’avait jamais
désiré sauf pour les broderies et le canevas , mais nous bâtir des robes, çà
non. Je m’y étais attelée , je m’achetais
des bouts de tissus mais les résultats si dans ma tête ils étaient chics,
réalisés : çà tombait pas comme avec Mémé. Et pour cette visite je devais être très belle : c’était une
forme de remerciement à Madame la
Capitaine et pour Jean : des retrouvailles. J’étais
fière de mon attirail pour cette occasion .Mon cœur battait très fort dans
ma poitrine quand j’avais frappée à la porte. Il n’y avait pas la Panhard verte olive , il
avait certainement un garage.
Jean
« Bonjour,
viens par là ! »
Pénélope
à elle même
Pas de visite de la maison, pas de bonjour à la
maman.
Attends bouscule pas, j’ai mon après
midi. Dis-je gênée de cet empressement.
Je vais dire bonjour à ta maman.
Jean
Elle est pas là
.
Pénélope
Ah bon !
Jean
Tu as l’air
déçue !
Pénélope
J’aime ce moment
du thé avec ta maman. Dans la visite toujours le thé. J’aime ses mots.
Jean
là
où je t’emmène tu n’en auras pas besoin.
Pénélope
C’est
par les mots que je voyage le plus loin .
Il
la pousse dans sa chambre. Les volets
sont fermés, la lumière est éteinte, il ferme la porte . Nous sommes
dans le noir . Ils portent ses mains sur la poitrine. Il triture les seins comme
des passages d’essuie glace, en même
temps la dirige vers le lit , l’allonge , lui remonte la robe du dimanche
Pénélope
, t’es fou , bats
les pattes, je vais crier.
Jean
Tu
peux crier : personne ne t’entendras, on est la seule villa habitée , les
ouvriers avec leur bétonneuse (rires). Et la ramènes pas . Et tu ne pourras
jamais rien dire à tes parents.
Il continue l’exploration de son corps mains pataudes,
laboureuses, hyperactives, se cognant partout, alors elle
rassemble toutes ses forces en un coup de reins de cheval de race, elle est
debout et elle attrape mon sac à main à tâtons, elle s’ expulse hors de cette
chambre , de cette maison, comme un vomis prêt à gerber à tout éclabousser.
Elle
rentre à sa maison , sa sœur toujours à s’ enfermer dans leur chambre. Elle change la robe pour celle de la
semaine, elle nettoie les fortes odeurs des aisselles et la met à sécher dans
la salle à manger
Elle
s’allonge sur le lit de sa maman. Leur père ne vient que de temps en temps il a
été muté à Grandville.
Elle
est recroquevillée serrant très fort le polochon sous le dessus de lut bordée
par sa grand mère , elle se balance
comme un lever bercement d’elle sort une longue plainte qui vient de son
tréfonds.
Elle
ne racontera jamais cette histoire . Un jour elle est ressortie en travail
analytique, alors couchons là sur
la table de buis des mots. Elle éteindra le feu ancien, qui fait brèche aux
hyènes de l’humain.
auteure Françoise Pain La Mangou
Photo de Fabrice Lassort de Bordeaux
Frankie quelle belle histoire, je suis tout émue...
RépondreSupprimerquelle nana tu es tu me surprends chaque jour , on dirait un peu du Bobi la pointe ton écriture
Supprimertu devrais si tu ne la pas encore fait t'essayer au chanson
car , çà chante bien
et merci pour ton retour sur les balbutiements , cela me touche beaucoup;
j'y ai refait un tour de correction, des échappées de la correction.
bisous