mercredi 21 juillet 2010

La maison sans toit (suite)





La maison sans toit (suite)



Nous avons ainsi cheminé pendant quelques minutes à la queue-leu-leu, en nous tenant par la main, dans une nuit d’encre où la tempête feulait à nos oreilles.

Enfin nous sommes arrivés à destination : un petite lampe à gaz brillait devant une case en banco.

On nous a invités à y entrer. Là j’ai pu voir notre guide, un homme jeune à la peau d’ébène, dont le visage fendu d’un grand sourire faisait apparaître des dents d’une extrême blancheur. Ses yeux pétillaient de malice.

Dans la case une homme assis sur une natte tressée de couleurs, entouré d’enfants et de trois jolies femmes nous accueillit.

Hydriss nous expliqua que nous étions chez le chef d’un village de pêcheurs Bozos.

On nous offrit du thé, du riz à la sauce pimenté et la chaleur de cette case providentielle. L’hospitalité africaine est incroyable de contact humain sincère.

Nous avons parlé, grâce à la traduction de notre piroguier, de nos familles. On parle toujours de la famille là-bas. Votre hôte vous présente la sienne et à votre tour vous devez présenter la votre. Ensuite seulement on peut parler d’autre chose.

Les Bozos nous ont raconté leurs vies de pêcheurs sur le fleuve. Nous avons ainsi appris que cette eau couleur de terre était poissonneuse permettant de faire vivre le village quasiment toute l‘année.

La lumière des lampes à gaz sur les murs de terre rouge imprimait une ambiance intime et chaleureuse où nous avons mêlés nos rires.

Aussi soudainement qu’elle avait commencé, la tempête tomba d’un seul coup. Nous pensions prendre congé pour reprendre notre pinasse amarrée solidement sur la rive, lorsque nous avons vu les femmes préparer des couvertures et de la vaisselle. Le chef souhaitait nous céder sa case pour la nuit et s’apprêtait à disperser femmes et enfants chez les oncles, tantes, cousins et cousines.

Nous refusâmes tout net. Beaucoup de petits étaient très jeunes et nous ne pouvions envisager les chasser hors de chez eux.

Nous avons remercié grandement le Chef et sa famille pour leur accueil et avons expliqué que nous allions regagner le bord du fleuve pour y dormir.

Il s’est alors engagé une conversation entre notre sauveur, le Chef et Hydriss dont nous étions totalement exclus par la barrière de la langue.

Les trois hommes semblèrent tomber d’accord.

On nous expliqua alors que la nuit étant de nouveau claire nous pouvions dormir au-dehors, mais à la seule condition d’être protéger du diable et des esprits…

Un peu surpris nous acceptâmes.

Le sorcier fut mander pour mettre sur nous la protection des génies.

C’était un vieil homme qui souriait tout le temps et serrait les poignées à deux mains chaudes.

Il sortit de la case, choisit le mur adéquat de celle-ci et commença à marmonner des formules connues de lui seul. Il agita des amulettes puis avec son bâton traça un carré sur le sable durci. Il accrocha deux fétiches sur le mur et ouvrit une porte symbolique dans le carré tracé au sol. C’est par là que nous devions entrer dans cette « maison » symbolique où nous serions protégés toute la nuit.

Surtout ne pas en sortir car la nuit le diable peut prendre toute forme pour nous attirer et prendre nos

Âmes !

Chacun à notre tour nous avons passé la « porte » sous le regard attentionné du sorcier, du Chef et d’Hydriss.

Glissés dans nos sacs de couchage nous avons dormi d’un sommeil de plomb sous le ciel limpide d’Afrique;

A l’aube, des dizaines d’enfants nous regardaient, les yeux curieux, souriant devant nos mines de blancs ébouriffés émergeant de drôles de couvertures. Pas un seul petits pieds ne franchissaient les limites de notre « maison ».

Après des adieux joyeux et raccompagnés à notre bateau par tout le village, nous avons repris notre voyage.

Cette étrange maison tout en symboles et en protections magiques, est la seule dans laquelle j’ai jamais dormi, mais aujourd’hui encore elle est dans ma mémoire comme le souvenir merveilleux et inoubliable d‘une maison dans le désert, d‘une maison sans toit ni mur!
de sophie la brodeuse de mots
pour ceux qui n'ont pas lu le début aller au jeudi dernier voyez dans la case la votre droite

1 commentaire:

  1. Très beau récit et comme j'ai toujours aimé ce qui touche à l'Affrique j'ai beaucoup apprécié
    bonne journée, à bientôt;

    RépondreSupprimer