vendredi 9 juillet 2010

vendredi des contes : henri POURRAT














Henri Pourrat (1887-1959).

Ecrivain français, né et mort à Ambert. Sa santé fragile l'amène à s'intéresser au passé de sa province, aux histoires de veillées et aux sources authentiques de la culture populaire. Il a évoqué son Auvergne natale dans ses poèmes, dans ses romans (Gaspard des Montagnes, 1922-1931, inspiré d'un conte célèbre Le Conte des yeux blancs, ou de la main coupée) et dans sa série Le Trésor des contes parue de 1948 à 1962. Auteur de quelque soixante-dix ouvrages,
il reçoit le prix Goncourt en 1941 pour Vent de mars.

Cette version met en scène un chaperon rouge que sa grand-mère trouve "gente à donner envie de la croquer" ; elles vivent ensemble "au mitan" d'un grand bois […] qui était aussi noir par endroits que le ventre du loup".

Sur le chemin du retour, après avoir ramassé du bois mort, elles arrivent à un carrefour : la fillette choisit le sentier des pierrettes et sa grand-mère, lourdement chargée, celui plus court des épinettes.

Le chaperon flâne, s'endort, cueille mûres et noisettes avant de déclarer à une "bête pelue" : " Me faut aller, si je traînais, je pourrais rencontrer le loup, et la mère-grand m'a bien dit que je ne m'amuse surtout pas à lui tenir conversation."
La mort de la grand-mère est sanglante puisque, comme dans la version nivernaise, sa chair et son sang sont conservés par le loup et innocemment dévorés par la fillette - en dépit des mises en garde du chat -, juste avant qu'elle-même ne devienne victime. L'une et l'autre sont sauvées par le parrain du chaperon, un bûcheron, qui ouvre le ventre du loup et les libère : en sortant, la mère-grand est décrite comme "clignant des yeux, secouant les oreilles".




EXTRAIT

La porte s'ouvre. Entre le Chaperon rouge, sautant comme un perdreau.
– Mets ton fagot au coin du feu, ma petite fille. Puis viens te coucher près de moi, tu me réchaufferas. Toi aussi, tu tombes de sommeil.
– Mère-grand, que je mange et que je boive ! J'ai si faim, j'ai si soif !
– Prends le salé qui est dans le bichet, ma petite fille, et le vin dans l'autre bichet !
Voilà le Chaperon rouge s'affairant et soupant, mais bien surprise d'entendre le chat, d'un tabouret au coin du feu, en miaulant l'avertir :
Tu manges la chair
De ta grand-mère,
Tu bois le sang
De ta mère-grand !
– Ho, mais, entendez-vous ce que dit le minet : que je mange la chair de ma grand-mère, que je bois le sang de ma mère-grand.
– Il n'a rien dit, ma petite fille; ce sont les oreilles qui te sifflent ! Viens vite coucher près de moi, tu me réchaufferas. Tout en montant au lit, le petit Chaperon rouge tremble : "La peur me tient : je crois que la fièvre va me prendre !"
– Oh, mère-grand, comme vous avez bourrues vos pauvres jambes, plus bourrues que les sapins du bois de Malavieille.
– C'est de vieillesse, ma petite fille, c'est de traînesse : j'ai tant couru les bois que je suis devenue bois !
– Oh, mère-grand, que vous avez de grands bras !
– C'est pour mieux t'embrasser, ma petite !
– Oh, mère-grand, comme vous avez de grandes oreilles !
– Ma petite, c'est pour mieux t'écouter.
– Oh, mère-grand, comme vous avez de grandes dents !
– Ma petite, c'est pour mieux te manger !
Et hop, d'un seul coup de gueule, le loup la gobe comme le loriot gobe la cerise.

Extrait du Petit Chaperon rouge par Henri Pourrat.
Tiré du Trésor des contes, Gallimard 1948-1962.

AUTRE EXTRAIT D4UNE AUTRE ORIGINE
l était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu'on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien que partout on l'appelait le petit Chaperon rouge. Un jour sa mère, ayant cuit et fait des galettes, lui dit : « Va voir comme se porte ta mère-grand, car on m'a dit qu'elle était malade, porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. » Le petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village. En passant dans un bois elle rencontra compère le loup, qui eut bien envie de la manger ; mais il n'osa, à cause de quelques bûcherons qui étaient dans la forêt. Il lui demanda où elle allait ; la pauvre enfant, qui ne savait pas qu'il est dangereux de s'arrêter à écouter un loup, lui dit : « Je vais voir ma mère-grand, et lui porter une galette avec un petit pot de beurre que ma mère lui envoie. »
— Demeure-t-elle bien loin ? lui dit le loup.
— Oh ! oui, dit le petit Chaperon rouge, c'est par-delà le moulin que vous voyez tout là-bas, à la première maison du village.
— Hé bien, dit le loup, je veux l'aller voir aussi ; je m'y en vais par ce chemin ici, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera. »

Le loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court, et la petite fille s'en alla par le chemin le plus long, s'amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu'elle rencontrait.
Le loup ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la mère-grand ; il heurte : Toc, toc. « Qui est là ?
— C'est votre fille le petit Chaperon rouge (dit le loup, en contrefaisant sa voix) qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma mère vous envoie. »
La bonne mère-grand, qui était dans son lit à cause qu'elle se trouvait un peu mal, lui cria : « Tire la chevillette, la bobinette cherra. »
Le loup tira la chevillette, et la porte s'ouvrit. Il se jeta sur la bonne femme, et la dévora en moins de rien ; car il y avait plus de trois jours qu'il n'avait mangé. Ensuite, il ferma la porte et s'alla coucher dans le lit de la mère-grand, en attendant le petit Chaperon rouge, qui quelque temps après vint heurter à la porte. Toc, toc.

« Qui est là ? »
Le petit Chaperon rouge, qui entendit la grosse voix du loup, eut peur d'abord, mais croyant que sa mère-grand était enrhumée, répondit : « C'est votre fille le petit Chaperon rouge, qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma mère vous envoie. » Le loup lui cria en adoucissant un peu sa voix : « Tire la chevillette, la bobinette cherra. » Le petit Chaperon rouge tira la chevillette, et la porte s'ouvrit.
Le loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : « Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi. » Le petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand était faite en son déshabillé. Elle lui dit : « Ma mère-grand, que vous avez de grands bras !
— C'est pour mieux t'embrasser, ma fille.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes !
— C'est pour mieux courir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles !
— C'est pour mieux écouter, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux !
— C'est pour mieux voir, mon enfant.
— Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents !
— C'est pour mieux te manger. »
Et en disant ces mots, ce méchant loup se jeta sur le petit Chaperon rouge, et la mangea.

2 commentaires:

  1. Cette dernière version n'est rien moins que celle de Perrault. Ce pourrait être sympathique de le signaler, non ? Cependant, chouette page.

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